Le recours collectif intenté contre le gouvernement fédéral en raison de ses pratiques d’embauche et de promotion discriminatoires systémiques prend de l’ampleur alors que la liste de plaignants dans cette poursuite historique continue de s’allonger.
Les fonctionnaires en cause, qui ont travaillé au gouvernement au cours des 50 dernières années, accusent l’employeur d’exclusion, c’est-à-dire d’avoir limité l’avancement professionnel des personnes noires au sein de la fonction publique fédérale, comme en témoigne leur sous-représentation dans les rangs de la gestion et de la direction.
Selon les statistiques du Conseil du Trésor de 2019, les personnes noires forment le plus important groupe racialisé de fonctionnaires fédéraux, soit 3,2 %. Toutefois, ils ne représentent que 1,6 % des membres de la direction. Ils ont d’ailleurs tendance à occuper les postes de niveau inférieur.
L’AFPC appuie le recours collectif et demande d’intervenir dans cette cause qui compte aujourd’hui 600 plaignants. Il s’agit, dans bien des cas, de personnes qualifiées, très instruites et qui ont des dizaines d’années d’expérience, mais qui ont été écartées à plusieurs reprises de certains postes ou possibilités d’avancement.
Nicholas Thompson, membre de l’AFPC et président d’une section locale du Syndicat des employé-e-s de l’Impôt (SEI), est fonctionnaire depuis six ans et l’un des principaux plaignants. « Nous luttons pour une fonction publique qui représente les travailleurs noirs, à tous les niveaux », déclare-t-il.
« Nous savons qu’une victoire pour les Noirs, c’est aussi une victoire pour tous les autres groupes sous-représentés ou marginalisés. Voilà pourquoi cette lutte est si importante : elle ouvre la porte à tous les autres groupes racialisés et sous-représentés. »
– Nicholas Thompson
Que cherchent les plaignants? Une meilleure représentation, des mesures de responsabilisation, une indemnisation et des modifications législatives (p. ex., amélioration de la Loi sur l’équité en matière d’emploi). « Un des changements les plus importants que le gouvernement peut apporter dès maintenant est de modifier la Loi sur l’équité en matière d’emploi et de créer une catégorie distincte pour les travailleurs noirs, en dehors de celles des minorités visibles, explique Nicholas. Les employeurs, qu’ils soient fédéraux ou réglementés par le gouvernement fédéral, pourraient alors s’attaquer directement aux problèmes de sous-représentation des personnes noires. »
En plus d’avoir été freinés dans leur carrière, bien des fonctionnaires noirs ont vécu des expériences troublantes de harcèlement et de discrimination. C’est le cas notamment des femmes, qui se trouvent encore plus marginalisées en raison de leur sexe. Et c’est pire encore si elles sont membres de la communauté LGBTQ2+, si elles ont des enfants ou si elles ont un handicap.
Carol Sip, ancienne employée de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et membre de l’AFPC, rapporte que son superviseur lui faisait régulièrement des remarques désobligeantes, et que son employeur ne voulait pas lui venir en aide. « Je me suis plainte à la direction, mais elle n’a rien fait pour m’aider », raconte Carol. Le harcèlement a eu des répercussions sur sa santé mentale. Elle s’est alors adressée au bureau national de l’ASFC. L’enquête interne a démontré qu’elle était effectivement victime de harcèlement sexuel et de discrimination au travail. Carol a travaillé 26 ans dans ce milieu de travail toxique, sans jamais recevoir de promotion.
De nombreux plaignants ont été victimes de mauvais traitements pendant des décennies. Ils espèrent que le recours collectif obligera le gouvernement fédéral à effacer les obstacles systémiques et à accroître la diversité dans ses rangs afin de créer un meilleur environnement de travail.
«Je voudrais que les choses changent pour les jeunes qui souhaitent joindre la fonction publique. »
– Carol Sip
« Il est essentiel de mener ce combat dès maintenant, surtout après la pandémie, pour créer un environnement inclusif, déclare Nicholas. La fonction publique devrait être un endroit où on peut travailler dur et grimper aussi haut qu’on le souhaite. C’est la fonction publique dont on rêve et pour laquelle on se bat, pour les futures générations de travailleurs noirs. »
Collaboratrice : Tasia Brown