Cette année encore, la fête du Travail est le théâtre d’une tradition consacrée, où la classe politique sort le grand jeu et chante la pomme aux travailleuses et travailleurs – juste à temps pour les élections. Si ce manège remonte aux origines de la démocratie, il reste qu’en 2024, le jeu des principaux acteurs demeure très peu convaincant.
Prenez le chef conservateur Pierre Poilievre. Sa pitoyable tentative de se donner une image de col bleu est à peu près aussi convaincante qu’un PDG avec un casque de construction. En adoptant un nouveau look, il espère nous faire oublier qu’il est un politicien de carrière, qu’il n’a jamais été lui-même travailleur et qu’il a passé les vingt dernières années à voter contre tout projet de loi favorable aux droits des personnes salariées.
Et que dire de Justin Trudeau! D’un côté, il veut, lui aussi, être perçu comme un ami des travailleuses et travailleurs, mais de l’autre, il s’oppose aux fonctionnaires qui militent pour un milieu de travail prônant l’accessibilité, la responsabilité environnementale, la diversité et l’inclusion.
L’affrontement actuel a pour objet le télétravail, un enjeu aussi crucial pour notre génération que la fin de semaine l’était pour celle de nos arrière-grands-parents. Et comme à l’époque, la lutte a pour toile de fond les menaces de l’employeur. Celui-ci préfère voir les gens perdre deux heures chaque jour à faire l’aller-retour au bureau plutôt qu’être productifs et épanouis à la maison. Le télétravail est un puissant levier d’égalité. Il ouvre la porte aux personnes ayant un handicap, aux parents et à la population rurale. Il dynamise l’économie des petites villes et réduit l’empreinte carbone en moins de temps qu’il en faut pour dire « réunion Zoom ».
Les sondages montrent que l’on consacre en moyenne 8,5 heures par semaine aux déplacements entre le travail et le domicile. Par année, ce sont 408 heures perdues, ou 17 jours entiers, à se déplacer. Dix-sept jours qu’on ne passe pas en famille. Dix-sept jours pendant lesquels on ne contribue pas à la société. Dix-sept jours où on pourrait être en train de travailler. Pour qui PEUT travailler à distance, c’est un véritable gaspillage de temps et d’énergie.
Décidément, certains membres de l’élite politique devraient descendre de leur tour d’ivoire et cesser de ressasser de faibles arguments tels que l’importance des brins de causette devant la machine à café et de la « culture du bureau », en ignorant le fait que la majorité des réunions se tiennent désormais en virtuel, dans des édifices fédéraux mal ventilés, infestés de rats et de punaises de lit, sans parler de l’amiante! Toute personnalité politique qui prétend être du côté des travailleuses et des travailleurs tout en insistant pour leur retour à de telles conditions mérite notre méfiance, pas notre confiance.
Concrètement, ce n’est pas en endossant une veste de travailleur ou en répétant un slogan que nos politiciens appuient le salariat, mais plutôt en luttant pour l’adoption de politiques qui améliorent la qualité de vie. En 2024, la création d’un milieu de travail plus inclusif, plus efficace et plus convivial passe par le télétravail. Porter un casque de construction le temps d’une photo n’a rien à voir avec la lutte des travailleuses et travailleurs. Il faut être conséquent, année après année, dans ses efforts en vue d’améliorer leur sort.
Rendons donc hommage aux activistes qui nous ont précédés en poursuivant leur combat pour de meilleures conditions de travail. Faisons en sorte que le télétravail devienne la nouvelle norme pour toute personne dont le travail s’y prête. Autrement, comment expliquerons-nous à nos petits-enfants que nous avons manqué l’occasion de révolutionner le travail simplement parce que des parlementaires passéistes ont manqué de vision?
En cette fête du Travail, pendant que nous allumons le barbecue et profitons de cette journée de congé, souvenons-nous des durs combats qui nous ont amenés jusqu’ici. Les activistes qui nous ont précédés n’ont pas fait front commun contre les matraques de la police et la cupidité des patrons d’entreprises pour que nous passions nos vies dans des embouteillages. Ces personnes se sont battues pour un meilleur avenir. Et en 2024, l’avenir, c’est le télétravail.