Par Chris Aylward, président national de l’AFPC.
Pour la plupart des gens, le 28 février est un jour comme les autres. Mais pour des centaines de milliers de fonctionnaires et de personnes retraitées, cette date marque cette année le sixième anniversaire du cauchemar Phénix.
Malgré les années, la blessure est encore vive pour les quelque 300 000 fonctionnaires fédéraux qui forment, et de loin, le plus important groupe de travailleuses et travailleurs au pays.
Chaque chèque de paye leur rappelle que le gouvernement est toujours incapable de les payer correctement et à temps. Depuis le lancement de Phénix en 2016, il n’y a pas eu une seule paye sans erreur importante. Pas une seule.
Les premiers moments du fiasco Phénix ont été cruels et chaotiques, voire catastrophiques. Pendant des mois, des milliers de personnes ont été sous-payées ou impayées. Certaines ont perdu leur maison, leur voiture et leurs économies, avec les répercussions qu’on imagine sur leur santé mentale. D’autres se sont tout bonnement retrouvées sans gagne-pain.
Si les problèmes de paye les plus importants sont en grande partie chose du passé pour les fonctionnaires fédéraux, ils ont été remplacés par quelque chose de moins grave, mais de plus sournois.
Bon nombre de travailleuses et travailleurs ont l’impression de subir le supplice de la goutte d’eau. Paye après paye, ils constatent des problèmes mineurs, mais agaçants, et en viennent à se demander s’il y a effectivement erreur, ou s’ils imaginent des choses. Ils doivent ensuite attendre des heures au téléphone pour essayer de démêler la situation, des mois avant de recevoir un suivi, et des années avant que leurs problèmes soient résolus. Des membres retraités qui ont quitté la fonction publique en 2016 attendent toujours que leurs problèmes de paye soient résolus pour enfin pouvoir passer à autre chose.
Il ne fait aucun doute que le système Phénix est une honte nationale pour laquelle plusieurs dirigeants portent le chapeau, du gouvernent conservateur de Stephen Harper qui l’a créé aux Libéraux de Justin Trudeau qui l’ont mis en fonction en grande hâte alors qu’il n’était pas prêt.
Toute la lumière ne sera jamais faite sur l’étendue de cette catastrophe monumentale et ses conséquences pour les fonctionnaires et les contribuables sans une enquête nationale publique. C’est la seule façon de tenir le gouvernement responsable de ses erreurs et de faire en sorte qu’elles ne se répètent jamais.
Après six ans, on pourrait s’attendre à ce que le gouvernement ait un plan concret pour résoudre les problèmes de paye et remplir la fonction la plus fondamentale d’un employeur : payer ses employées et employés correctement et à temps.
Or, c’est loin d’être le cas. Pire encore, l’arriéré de 141 000 problèmes de paye ne cesse de s’accroître depuis le début de la pandémie et compte des milliers de dossiers remontant à 2016. Imaginez une famille qui aurait eu des problèmes de paye quand elle attendait un bébé. Cet enfant serait maintenant en première année, et les problèmes de ses parents ne seraient toujours pas réglés.
Comme le gouvernement ne lancera pas son prochain système de paye avant plusieurs années, ce n’est pas demain la veille que les fonctionnaires fédéraux verront la lumière au bout du tunnel.
La seule solution envisagée à l’heure actuelle – engager le plus de conseillers et conseillères en rémunération possible pour régler les problèmes existants, résoudre les nouveaux problèmes à mesure qu’ils surviennent et éliminer l’arriéré – n’est qu’un expédient.
Même cette mesure, aussi peu ambitieuse soit-elle, semble trop difficile pour le gouvernement, qui refuse obstinément de faire le nécessaire pour réparer les torts causés.
Le cinglant rapport du vérificateur général sur Phénix le qualifiait déjà d’« échec incompréhensible » en 2017, et des années plus tard, le gouvernement n’a pas fourni d’autres réponses et personne n’a été tenu responsable. Nous ne savons même pas si les problèmes les plus accablants soulevés par le rapport ont été réglés.
Nous savons toutefois qu’alors que des milliers de fonctionnaires étaient aux prises avec des problèmes de paye, des cadres du service responsable de Phénix ont touché des millions en primes au rendement.
Les syndicats comme l’AFPC continueront à se battre pour que les travailleuses et les travailleurs soient dédommagés des difficultés causées par Phénix et à réclamer des solutions à court et à moyen terme, comme l’embauche de conseillères et conseillers en rémunération supplémentaires.
Nous ne pourrons toutefois pas obtenir seuls les réponses nécessaires pour éviter qu’un tel désastre se reproduise.
Seule une enquête publique nationale permettra d’expliquer comment nous en sommes arrivés là et d’offrir un dédommagement adéquat.
Elle fournirait également aux fonctionnaires une tranquillité d’esprit et aux contribuables, des explications bien méritées.