Devant les menaces de Trump, le Canada doit renforcer la sécurité frontalière

Lettre d’opinion de Sharon DeSousa, présidente nationale de l’AFPC et de Mark Weber, président national du SDI, publiée dans le Droit

Comme bon nombre d’entre nous au pays, nous suivons avec beaucoup d’inquiétude la détérioration rapide de notre relation avec les États-Unis. Au cœur de ce conflit se trouve la sécurité frontalière. Depuis des générations, nos deux pays partagent avec fierté la plus longue frontière non défendue au monde. C’est ce partenariat solide et fiable que remet maintenant en question l’administration Trump.

Forte d’un effectif de près de 9 000 personnes, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a toujours rempli son mandat de première ligne de défense du Canada, soit endiguer le trafic de drogues, d’armes à feu et de véhicules volés, tout en facilitant les échanges commerciaux qui stimulent notre économie.

En dépit des allégations fracassantes de Trump, il est de plus en plus clair que le véritable objet de ce conflit commercial n’est pas le passage à la frontière de drogues et de personnes migrantes.

En effet, à peine 0,2 % du fentanyl saisi à la frontière des États-Unis provenait du Canada. Autrement dit, des 21 889 livres de fentanyl saisies l’an dernier par les services frontaliers américains, seules 43 livres arrivaient du Canada. Difficile de croire que le Canada est réellement la source du problème. Même la Drug Enforcement Administration américaine semble être de cet avis, le Canada n’étant mentionné nulle part dans son rapport annuel 2024 sur les menaces liées aux drogues.

Si l’on met les motifs de cette discorde de côté, une chose est claire : la sécurité frontalière du Canada prend plus d’importance que jamais.

Il est ironique que le gouvernement fédéral n’en ait pas profité pour travailler directement avec les personnes mêmes chargées de protéger nos frontières. La solution que propose le gouvernement — soit de renforcer la sécurité au moyen de drones et d’hélicoptères — témoigne d’une incompréhension flagrante de la nature de ce travail. Il va sans dire que la technologie joue un rôle important, mais elle ne peut pas remplacer l’expertise et la compétence du personnel professionnel formé. Aucun système automatisé ne peut rivaliser avec le jugement critique qu’exerce le personnel des services frontaliers dans une situation complexe. La machine ne pourra jamais remplacer l’humain.

Au moment où notre relation avec les États-Unis traverse une période houleuse, il faut optimiser l’efficacité des services frontaliers. Or, les tarifs douaniers annoncés augmenteraient inévitablement les délais de traitement dans nos points d’entrée. Le manque de personnel pourrait créer un goulot d’étranglement qui envenimerait encore plus nos relations économiques et compromettrait la sécurité nationale.

La solution passe d’abord par le gouvernement fédéral, qui doit s’engager à offrir un financement durable et constant aux services frontaliers. Et il ne suffit pas de maintenir les activités actuelles : nous devons renforcer les capacités pour répondre aux exigences accrues auxquelles nous sommes confrontés.

Ensuite, nous devrons lancer une campagne de recrutement intensif pour remédier à la pénurie de personnel causée par les compressions massives de l’ère Harper, et construire d’autres centres de formation pour que l’ASFC puisse continue de remplir son mandat malgré les nouveaux obstacles à la frontière. Il nous faut une stratégie globale, qui tient compte tant des besoins immédiats de dotation que de la hausse de la charge de travail qui découlerait de l’imposition des nouveaux tarifs douaniers.

Nous devons par ailleurs reconnaître les risques auxquels s’expose chaque jour le personnel des services frontaliers, et lui offrir la même retraite équitable à laquelle ont droit les membres des autres agences des forces de l’ordre au Canada. Non seulement ce personnel de première ligne pourrait-il prendre sa retraite avec dignité, mais un tel régime servirait de puissant outil de recrutement.

L’heure est grave, et il est temps que le gouvernement fédéral le reconnaisse.

La prospérité économique du Canada dépend de sa capacité à préserver l’efficacité et la sécurité de ses opérations frontalières. Les nouveaux tarifs douaniers, conjugués à une baisse du financement des services frontaliers, présentent des risques injustifiés pour notre sécurité et notre économie.

L’heure n’est pas aux demi-mesures ni aux compressions dommageables. Il y a lieu de prendre des mesures vigoureuses pour renforcer nos frontières et notre fonction publique, et non pour les affaiblir. La sécurité de notre population — et la force de notre économie — en dépend.

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21 Mars 2025