Cinq générations, c’est beaucoup trop long pour atteindre l’équité salariale

La lettre d’opinion qui suit, signée par Sharon DeSousa, présidente nationale de l’AFPC, a été publiée sur L'aut'journal.  

Lorsqu’il est question d’égalité hommes-femmes, beaucoup croient que la bataille a été gagnée il y a longtemps. Rien de plus faux! Récemment, le Forum économique mondial a annoncé qu’au rythme où on va, la parité devrait encore attendre cinq générations. Pensez-y!  

Ces statistiques visaient à fouetter les troupes et nous inciter à faire notre part. Les syndicats ont toujours su que l’égalité ne tomberait pas du ciel et l’histoire atteste que la mobilisation accélère le changement.  

En 1980, par exemple, plus de 10 000 commis membres de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) – dont plus de 75 % étaient des femmes – ont décidé de débrayer. Neuf jours plus tard, l’AFPC signait une entente prévoyant des augmentations de salaire de 24,8 %, le congé de maternité payé et d’autres gains majeurs. Les femmes n’acceptaient plus d’être reléguées au second rang. Par leur courage, elles ont prouvé que l’action collective peut changer la donne.  

Et l’histoire ne s’arrête pas là. En 1984, l’AFPC a entrepris des démarches auprès des tribunaux pour que le fédéral indemnise les personnes occupant des postes à prédominance féminine. En 1999, nous avons enfin obtenu un règlement de 3,6 milliards de dollars, ce qui nous rapprochait de notre objectif.  

Depuis, nous avons exhorté Ottawa à adopter la Loi de 2021 sur l’équité salariale, qui garantit des protections dans tous les milieux de travail sous réglementation fédérale. Nous continuons de presser le gouvernement à mettre en œuvre la Loi dans son entièreté – il a déjà raté l’échéance de 2024.  

Nous continuons de faire d’importantes avancées dans les emplois occupés majoritairement par des femmes, notamment dans le Nord, où l’AFPC représente plus de 4 000 professionnelles et professionnels de la santé. 

D’autres syndicats ont aussi contribué à propulser l’équité salariale vers l’avant. Le Syndicat des travailleurs en communications du Canada (aujourd’hui Unifor) s’est battu pendant 10 ans contre Bell Canada, au nom des préposées au téléphone. En 1993, le Tribunal canadien des droits de la personne lui a donné raison en imposant un cadre juridique qui profiterait à des générations de femmes à venir. En 2018, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes a pour sa part obtenu d’importantes augmentations de salaire pour les factrices et facteurs des banlieues et des milieux ruraux, qui sont en majorité des femmes. 

Ces virages, qui auraient pu prendre des générations, ont abouti en quelques années, grâce à l’action collective. Mais la bataille est loin d’être gagnée. Les écarts salariaux persistent, surtout pour les travailleuses aux identités croisées qui ne sont pas syndiquées ou qui travaillent dans le secteur privé. On ne peut se permettre d’attendre 2158 pour atteindre l’équité. Il faut plus d’imagination et de volonté. 

La Journée internationale des femmes est née de la lutte pour l’égalité des femmes et de meilleures conditions de travail. Le 8 mars est l’occasion de se rappeler que certains gains que nous tenons maintenant pour acquis, comme le congé de maternité et la loi sur l’équité salariale, sont le fruit de l’action collective.  

Le thème de cette année, « Accélérer l’action », nous rappelle que pour progresser, il faut lutter ensemble plutôt que d’attendre que les choses arrivent. 

Cette année, ne nous contentons pas de célébrer les victoires du passé; engageons-nous aussi à mener les luttes qui restent à faire. Cinq générations, c’est beaucoup trop long. Par l’action et la solidarité syndicales, nous progresserons plus vite vers l’équité. Notre histoire prouve que c’est possible. Il faut agir maintenant. Notre avenir en dépend. 

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7 Mars 2025