Pour un Canada plus fort, il faut appliquer la Loi sur l’équité salariale

Lettre d’opinion de Sharon DeSousa, présidente nationale de l’AFPC, publiée dans le Droit.

Cinq ans ont passé depuis que l’Organisation des Nations Unies (ONU) a fait du 18 septembre la Journée internationale de l’égalité de rémunération. Aujourd’hui, prenons un moment pour souligner les progrès obtenus de haute lutte en matière d’égalité entre les genres.

Notre syndicat, l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), a toujours été aux premières lignes du combat. Depuis la grève sans précédent menée en 1980, les actions collectives des membres de l’AFPC ont entraîné des victoires historiques pour les femmes. À l’époque, plus de 10 000 membres occupant des postes administratifs – dont 75 % étaient des femmes – avaient obtenu une augmentation de salaire de 24,8 %. Mais la lutte n’est malheureusement pas terminée et ces avancées sont aujourd’hui menacées.

Le gouvernement fédéral s’est engagé à atteindre l’égalité des genres dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies. Mais à ce jour, les Canadiennes ne touchent toujours que 89 cents pour chaque dollar gagné par les Canadiens, à travail égal. L’écart est encore plus grand chez les femmes autochtones ou racisées, celles ayant un handicap et celles des autres groupes en quête d’équité.

Notre syndicat a joué un rôle déterminant pour faire adopter la Loi sur l’équité salariale entrée en vigueur en 2021. S’il semblait engagé dans la bonne voie, le gouvernement n’a toujours pas adopté de plan d’équité salariale dans la fonction publique.

Nous accusons maintenant des années de retard. Le Bureau de la commissaire à l’équité salariale manque cruellement de personnel, ce qui entraîne des décalages et des difficultés pour les personnes qui cherchent à résoudre des différends avec leur employeur. Selon le Forum économique mondial, au rythme actuel, il faudra cinq générations pour atteindre la parité, ce qui nous mène à l’an 2158. Cette prédiction risque, hélas, de se réaliser.

Pour couronner le tout, le budget fédéral de 2025, qui aura été élaboré après un examen exhaustif des dépenses lancé à la hâte en juillet, sera déposé en octobre. Les ministères devaient trouver des économies de 15 % sur trois ans avant le 28 août, qui était justement la date limite pour participer aux consultations prébudgétaires.

Le prochain budget pourrait donc comprendre des compressions qui compromettront l’application de la Loi sur l’équité salariale.

Il y a de quoi s’inquiéter. Le Centre canadien de politiques alternatives a indiqué qu’il était possible que des compressions pouvant atteindre 80 % soient imposées à Femmes et Égalité des genres Canada. Certaines personnes considèrent que le financement consacré aux droits des femmes et à l’égalité des genres pourrait être éliminé, ce qui nuirait non seulement à l’équité en général, mais aussi à la stabilité économique du pays.

Ces 40 dernières années, la participation des femmes à la population active a représenté un tiers de la croissance économique du Canada. La mise en œuvre rapide de la Loi ne vise pas seulement à corriger un problème grave et persistant, mais aussi à générer de précieuses retombées. Plus de 1,3 million de personnes en bénéficieraient et le Canada en ressortirait plus fort.

Pour y arriver, il est essentiel d’investir dans le Bureau de la commissaire à l’équité salariale, qui manque de ressources, peine à remplir ses obligations et tarde à résoudre les cas. Toute compression pourrait interrompre la mise en œuvre de la Loi, ce qui nuirait aux travailleuses et travailleurs du pays et pourrait nous coûter encore plus cher à long terme. La date limite pour le dépôt des plans d’équité salariale a déjà été reportée au 31 août 2027. Sans mesure immédiate, même cet objectif semble difficile à atteindre.

Nous parlons ici d’un problème systémique. La décision de Mark Carney d’exclure la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres de son cabinet a soulevé un tollé. Bien que les pressions du public aient réussi à le faire changer d’idée, cette décision initiale a jeté des doutes sur l’engagement du gouvernement à faire de l’égalité des genres une priorité.

M. Carney a déjà confirmé son intention d’intégrer des mesures d’austérité dans le prochain budget. Il se peut que les compressions rivalisent avec celles du budget de 1995 de Jean Chrétien, qui dépassaient largement les coupes de l’ère Harper.

Le budget de 1995 a eu des effets néfastes persistants pour les femmes et les groupes visés par l’équité. On ne peut se permettre de répéter la même erreur.

Le financement des programmes d’équité des genres et des organismes de défense des droits est essentiel. Il ne s’agit pas seulement d’atteindre les objectifs des Nations Unies, mais aussi de bâtir une économie forte et résiliente.

À l’approche du dépôt du budget de 2025, l’AFPC continuera de lutter pour la mise en œuvre de la Loi sur l’équité salariale et d’appuyer ses membres qui contribuent à l’élaboration des plans d’équité salariale fédéraux.

Il est temps que le gouvernement donne au Bureau de la commissaire à l’équité salariale les moyens de faire respecter la loi et de résoudre rapidement les différends. L’équité salariale n’est pas tombée du ciel, elle a été obtenue grâce à l’action collective des travailleuses et travailleurs. Ne l’oublions pas: il n’y a pas d’économie canadienne sans le travail des femmes.

Il est grand temps que les femmes soient reconnues pour leur apport à l’économie. Le Canada n’a pas le luxe d’attendre jusqu’en 2158. Il faut agir maintenant.

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25 Septembre 2025