Voici les observations présentées par le président national de l’AFPC, Chris Aylward, devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 21 juillet :
L'Alliance de la Fonction publique du Canada représente plus de 200 000 travailleurs dont 150 000 travaillent dans la fonction publique fédérale et dans des agences fédérales.
Nous représentons également 40 000 membres du secteur de l'éducation postsecondaire, dont certains des membres seraient admissibles à la nouvelle Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant. Nous comprenons bien qu'il est nécessaire d'avoir un programme d'aide aux étudiants. Cependant, le programme et le processus pour le mettre en place sont grandement déficients.
La pandémie de COVID-19 a presque amené l'économie à l'arrêt, en mars. L'économie commence à reprendre vie prudemment, comme il se doit. Cependant, la pandémie a eu un impact sérieux sur les revenus potentiels des jeunes sur le point de commencer leurs études postsecondaires ou qui viennent d'obtenir leur diplôme. L'objectif de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant est de leur donner la possibilité de gagner un revenu.
Alors que le programme a été annoncé le 22 avril, l'annonce selon laquelle le Mouvement UNIS se verrait confier la gestion du contrat n'a pas été faite avant le 25 juin. Il semble que le Mouvement UNIS ait été informé deux semaines avant qu'il recevrait le contrat. Le premier ministre a affirmé que les bureaucrates avaient conclu qu'il constituait la seule option pour mettre en œuvre le programme de bourses d'études.
Les événements qui ont suivi ont suscité des questions quant à la façon dont la décision a réellement été prise. Nous nous demandons pourquoi le gouvernement n'a pas ordonné, en premier lieu, à la fonction publique fédérale d'administrer le programme de bourses aux étudiants. À un moment donné, le premier ministre a prétendu qu'UNIS était le seul organisme capable d'exécuter le programme à l'échelle voulue. Pourtant, une part importante du budget du programme de bourses, soit 43,5 millions de dollars, serait allée directement au Mouvement UNIS pour qu'il puisse exécuter le programme. En effet, il s'agit d'un programme d'une valeur de 912 millions de dollars. Il n'est pas facile pour un organisme d'administrer un programme d'une telle envergure à l'échelle du pays.
Le lancement réussi de la Prestation canadienne d'urgence, un programme beaucoup plus vaste, s'est fait en très peu de temps. Cela prouve que la fonction publique est en mesure de s'adapter vite pour répondre aux nouveaux besoins. Même si le gouvernement a soutenu qu'il fallait redresser rapidement le programme de bourses aux étudiants, il lui a pris presque deux mois uniquement pour annoncer qui obtiendrait le contrat. Aujourd'hui, trois mois plus tard, le programme n'est toujours pas en place. Alors que le programme devait se poursuivre jusqu'au 31 octobre, les étudiants auront plus de mal à accumuler les heures requises pour recevoir des subventions.
Si on avait confié à la fonction publique la responsabilité d'organiser un système de distribution, il est probable que les étudiants toucheraient maintenant des prestations. Par exemple, on aurait pu adapter le programme de prêts aux étudiants pour élargir les critères d'admissibilité et y inclure des subventions équivalentes aux fonds alloués au programme de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant. L'infrastructure nécessaire était en place, et cela aurait grandement contribué à calmer les étudiants, qui se demandent comment ils paieront leurs frais de scolarité, leur matériel scolaire, leur nourriture et leur logement durant leurs études. Cela aurait aussi aidé les étudiants qui pourraient devoir remettre à plus tard leurs études à cause de difficultés financières liées à la COVID. Je soupçonne que si le programme va de l'avant, il sera confié à Emploi et Développement social Canada, comme il aurait dû l'être dès le départ.
En plus de nous demander pourquoi le gouvernement a décidé de sous-traiter le programme, nous sommes préoccupés par la prémisse du programme, dans le cadre duquel les étudiants se feraient payer. Nous voyons cela comme juste une autre situation où les jeunes sont forcés d'accepter un travail précaire à des salaires de misère. Chaque bénévole recevrait 1 000 $ pour chaque tranche de 100 heures effectuées. Il s'agit d'un salaire de 10 $ l'heure, ce qui n'est même pas le salaire minimum. En effet, au Canada, le salaire minimum est au moins de 11 $ l'heure, et il est plus élevé dans certaines régions du pays. En Ontario, par exemple, il s'élève à 14 $ l'heure.
Les étudiants pourraient même gagner moins de 10 $ l'heure. La subvention sera calculée en utilisant des seuils de 100 heures, et les heures seront arrondies vers le bas. Pour obtenir de l'argent, les étudiants doivent travailler 100 heures complètes. S'ils travaillent pendant plus de 100 heures, mais moins de 200, ils ne touchent aucun argent pour les heures supplémentaires. Il est paradoxal que le gouvernement fédéral ait introduit des règles dans le Code canadien du travail pour restreindre le recours à des stages non rémunérés, mais qu'il s'attend à ce que les étudiants fassent des heures de travail non rémunérées dans le cadre du programme de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant.
Si on rémunère des étudiants en échange de bénévolat, ils ne sont plus des bénévoles. Les appeler des bénévoles ne permet pas au gouvernements ou aux organismes employant ces étudiants d'enfreindre les normes provinciales du travail. L'Alliance de la Fonction publique du Canada convient que les étudiants ont besoin d'aide durant cette période fort difficile. Cependant, ils n'ont pas besoin d'un programme qui ne les rémunère pas suffisamment pour leur travail.
Le gouvernement aurait pu faire en sorte que le programme rémunère les étudiants afin qu'ils travaillent pour des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif, s'acquittant des tâches que les bénévoles ne peuvent pas accomplir, ou qu'ils effectuent du travail qui ne serait pas fait autrement à cause du manque de bénévoles. Au moins, ils auraient pu recevoir le salaire minimum pour leur travail, même si l'idéal serait qu'ils touchent un salaire correspondant davantage au type de travail effectué, et ils pourraient être payés pour tout ce qu'ils font. D'ailleurs, pourquoi présenter un programme de bourses qui met l'accent sur le bénévolat plutôt que sur l'expérience professionnelle? Le gouvernement pourrait agir immédiatement pour renforcer les programmes d'emploi d'été des étudiants en place, y compris le Programme fédéral d’expérience de travail étudiant.
En conclusion, si le gouvernement s'était servi des programmes existants ou avait demandé à la fonction publique d'établir un nouveau plan de travail et de rémunération pour les étudiants, il aurait évité les problèmes de conflits d'intérêts qui ont été rapportés depuis l'annonce de l'octroi du contrat à UNIS, et il aurait pu offrir une expérience professionnelle rémunérée aux étudiants.