L'article d'opinion de June Winger, présidente nationale de l'UEDN, a été publié le 1er avril 2024 dans le Ottawa Citizen.
Imaginez que vous fassiez partie d’une équipe indispensable au bon moral des militaires et au soutien de leurs familles. Vous les aidez à garder la forme, vous gérez les magasins où ils font leurs achats et vous êtes là, jour après jour, pour répondre à leurs besoins. Imaginez maintenant qu’on vous répète que votre travail est apprécié, mais qu’il ne sera pas rémunéré à sa juste valeur.
C’est ce qui explique le conflit entre les Services de bien-être et moral des Forces canadiennes (SBMFC) et plus de 500 civils qui travaillent sur les bases de Bagotville, Montréal–Saint-Jean, Valcartier, Kingston, Ottawa et Petawawa et qui sont sur les lignes de piquetage depuis plus de deux mois.
Ian Poulter, chef de la direction des Services de bien-être et moral des Forces canadiennes, a publié une lettre récemment, dans laquelle il invite les militaires à faire preuve de compréhension. Il y parle de dévouement et de soutien aux familles militaires, mais semble oublier les personnes qui rendent cela possible : les travailleuses et travailleurs.
M. Poulter dépeint une situation inévitable où les services offerts aux familles militaires sont sans cesse réduits en raison de la grève. Cependant, il sait très bien que les membres de son personnel civil n’ont pas débrayé par caprice, mais parce qu’ils se sentent acculés au pied du mur, luttant pour des salaires équitables alors qu’ils forment le groupe de fonctionnaires fédéraux le moins bien rémunéré. Il y a lieu de s’interroger sur les priorités de M. Poulter. En effet, bien que ce dernier affirme ne pas disposer d’un budget suffisant pour augmenter les salaires, il trouve les moyens d’embaucher des briseurs de grève et de renforcer la sécurité.
Le personnel des SBMFC est principalement composé de femmes, de conjointes ou conjoints de militaires et de vétérans. Ces personnes gagnent environ la moitié du salaire de leurs collègues, et pourtant, on ne leur propose qu’une augmentation annuelle de 4 %. C’est moins que la recommandation de 4,75 % de la commission de l’intérêt public, et nettement inférieur à la hausse de 6,8 % que les membres du personnel les mieux rémunérés ont reçue l’an dernier. Il ne s’agit pas d’obtenir un traitement de faveur, mais simplement d’être traité avec le même niveau de respect que les autres. Après tout, le prix des aliments et des services publics n’est-il pas le même pour tout le monde?
La santé financière de chaque base et de l’ensemble de la communauté militaire dépend du traitement équitable de tous les travailleurs et travailleuses.
Dans sa lettre, M. Poulter fait appel au soutien et à la compréhension de la communauté militaire, mais c’est lui qui devrait se montrer un peu plus compréhensif. Il ne s’agit pas d’une simple grève, mais d’une lutte pour le respect, la dignité et la reconnaissance des travailleuses et travailleurs qui sont le moteur de ces services.
Le message des grévistes est clair : ils en ont assez. Si M. Poulter valorise sincèrement la communauté servie par les SBMFC, il doit commencer à apprécier ceux et celles qui rendent tout cela possible. Ce ne sont pas seulement les programmes et les services qui sont en cause, mais aussi les membres de son personnel. La plupart gagnent à peine le salaire minimum et éprouvent de graves difficultés financières. Certains ont même recours à des banques alimentaires.
La balle est dans son camp. Va-t-il faire preuve de compréhension, entamer des négociations et trouver une solution, ou bien le conflit va-t-il s’aggraver, érodant encore plus le soutien apporté à nos troupes et à leurs familles? L’issue du conflit montrera clairement si l’engagement envers ceux qui servent s’étend aux travailleuses et travailleurs qui sont à leur service.
June Winger est la présidente nationale de l’Union des employés de la Défense nationale, qui est un des Éléments de l’Alliance de la fonction publique du Canada, représentant plus de 20 000 travailleuses et travailleurs des secteurs public et privé à la Défense nationale, y compris les 500 grévistes des SBMFC.