Victoire en matière d’équité salariale : 20e anniversaire

Il y a 20 ans, le 29 octobre 1999, l’AFPC remportait une longue bataille avec le Conseil du Trésor au sujet de l’équité salariale pour les fonctionnaires fédéraux. Au terme de cette victoire, quelque 230 000 membres et anciens membres de l’AFPC ont reçu 3 milliards de dollars en rajustements rétroactifs et en intérêts. Pour certaines classifications à prédominance féminine, les salaires ont aussi été ajustés afin de refléter convenablement le principe du salaire égal pour un travail de même valeur.

Voici comment l’AFPC a gagné la bataille.


Margot Trevelyan, de la « Ontario Equal Pay Coalition », explique le principe
du salaire égal à travail égal (c. 1980)

Plainte initiale

La lutte a commencé 16 ans plus tôt, en 1983, lorsque l’AFPC a déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) alléguant que le gouvernement fédéral violait ses propres lois en matière de droits de la personne, en refusant de verser un salaire égal pour un travail de même valeur à son personnel – surtout des femmes – occupant divers emplois de bureau. L’équité salariale était en vigueur depuis 1976 et l’AFPC avait déjà conclu des ententes fructueuses pour un certain nombre d’unités de négociation au gouvernement fédéral.

Une étude syndicale-patronale confirme l’existence d’un écart salarial

En réponse à la plainte de l’AFPC, le gouvernement progressiste-conservateur de l’époque profite de la Journée internationale des femmes, le 8 mars 1985, pour lancer une initiative conjointe syndicale-patronale visant à étudier l’équité salariale dans la fonction publique fédérale. C’est la plus importante étude de ce genre au Canada. Elle sera réalisée auprès d’un nombre égal de représentants de l’employeur et des syndicats et durera quatre ans. Les résultats sont éloquents : l’écart salarial entre les hommes et les femmes pour un travail équivalent est bien réel.

Pay equity rally on Parliament Hill

Rassemblement pour l'équité salariale sur la Colline du Parlement


L’AFPC intensifie ses efforts

En 1990, toutefois, le gouvernement se dissocie des conclusions de l’étude malgré sa participation à l’ensemble du processus. L’AFPC dépose donc une deuxième plainte auprès de la CCDP, qui sera élargie pour inclure d’autres unités de négociation à prédominance féminine représentées par l’AFPC (secrétaires, personnel hospitalier, bibliothécaires, personnel de soutien en éducation et employées au traitement des données).

La CCDP renvoie l’affaire à un tribunal des droits de la personne, formé en janvier 1991. À peine le tribunal a-t-il été constitué que le gouvernement entame une longue série de comparutions en cour pour contester la compétence du tribunal à entendre l’affaire. Mais chaque fois, le gouvernement perd sa cause. Le tribunal tiendra plus de 260 jours d’audiences sur une période de 6 ans, qui prendra fin en janvier 1997.

La grève nationale de 1991

Parallèlement, l’équité salariale est devenue une question prioritaire à la table de négociation et lors de la grève nationale de 1991 contre le gouvernement Mulroney. Plutôt que de répondre aux préoccupations des membres de l’AFPC, le gouvernement choisit de légiférer pour mettre un terme à la grève et paralyse la négociation collective. Le gel des négociations sera prolongé jusqu’en 1997 par le gouvernement libéral de Jean Chrétien, porté au pouvoir en 1993. 


Reportage de TVA sur l’équité salariale (1997)

Une offre « divulguée »

Plusieurs mois après la fin des audiences du tribunal, et à la veille du congrès national triennal de 1997 de l’AFPC, le gouvernement « divulgue » une offre de règlement par l’entremise du Toronto Star sans d’abord l’avoir présentée au syndicat.

Même si l’offre pouvait sembler généreuse, elle était de loin inférieure à ce qui était nécessaire pour combler l’écart salarial. Le gouvernement Chrétien avait fait le pari que les membres de l’AFPC accepteraient une proposition à la baisse parce qu’il avait les moyens financiers d’étirer le processus judiciaire et le pouvoir de légiférer. Mais il a perdu son pari puisque les membres de l’AFPC ont tenu bon et ont refusé l’offre.

Victoire au tribunal et appel devant la Cour fédérale

Le 29 juillet 1998, le tribunal rend sa décision. Les membres de l’AFPC remportent une victoire décisive et éclatante. Le tribunal ordonne alors des ajustements de salaire rétroactifs au 8 mars 1985, soit le jour du lancement de l’étude syndicale-patronale sur la rémunération, plus des intérêts jusqu’à la date d’envoi des chèques.

Sans surprise, il faudra moins d’un mois au gouvernement pour contester la décision du tribunal devant la Cour fédérale. L’appel sera entendu en mai et juin 1999 et, le 19 octobre de la même année, le juge John Evans confirmera le verdict du tribunal en faveur de l’AFPC. Au moment de rendre sa décision, le juge Evans souligne que ce dossier a traîné beaucoup trop longtemps et coûté trop cher à toutes les parties concernées, ajoutant que le fait de retarder indûment la justice équivalait à nier le principe de justice.

L’AFPC conclut une entente avec le Conseil du Trésor

Quelques jours après que la Cour fédérale a rendu sa décision, l’AFPC entame des négociations visant à conclure une entente avec le Conseil du Trésor. C’est ainsi que le 29 octobre, elle parvient à une entente historique avec le gouvernement sur la parité salariale.

Nycole Turmel and Darryl Bean celebrate pay equity settlement

La vice-présidente nationale Nycole Turmel (gauche) et le président national Daryl Bean (droite) célèbrent le règlement visant l’équité salariale (29 octobre 1999)

La lutte se poursuit 

Forte de cette importante victoire sans précédent contre le gouvernement, l’AFPC poursuit sa lutte pour l’équité salariale. En 2002, le syndicat obtient un règlement en matière d’équité salariale pour des milliers de membres travaillant au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. En 2011, l’AFPC a gain de cause à la Cour suprême, ce qui met fin à une lutte entamée 28 ans plus tôt au nom de milliers d’autres membres à Postes Canada.

En outre, les plaintes déposées en 2002 au nom des membres au Bureau du vérificateur général, au Bureau du surintendant des institutions financières, au Centre de la sécurité des télécommunications, aux Instituts de recherche en santé du Canada, au Conseil de recherches en sciences humaines et au Service canadien du renseignement de sécurité se règlent finalement en 2013. Enfin, en 2018, l’AFPC obtient un paiement additionnel au titre de l’équité salariale pour le personnel des Opérations des enquêtes statistiques de Statistique Canada.

Auditor General of Canada workers rally for pay equity

Les travailleuses et travailleurs du Bureau du vérificateur général du Canada revendiquent l’équité salariale. ​


L’AFPC a aussi consacré des années à promouvoir une loi fédérale proactive sur l’équité salariale, qui a finalement été adoptée en 2019. La nouvelle loi, instaurée par le gouvernement libéral de Justin Trudeau, est proactive, n’est pas fondée sur les plaintes et oblige les employeurs à éliminer toute discrimination salariale fondée sur le sexe. Ainsi, les batailles judiciaires longues de plusieurs décennies pour régler les plaintes d’équité salariale devraient être chose du passé. La nouvelle loi n’entrera toutefois en vigueur que lorsque le règlement sera achevé.

Malgré tout, les femmes ne reçoivent aujourd’hui que 0,87 $ pour chaque dollar gagné par les hommes. Mais l’écart ne cesse de se réduire depuis 1998. Assurément, le travail de l’AFPC et de l’ensemble du mouvement syndical pour promouvoir l’équité salariale explique en grande partie cette tendance. Mais la lutte n’est pas terminée et l’AFPC reste déterminée à bâtir un avenir dans lequel toutes les personnes salariées seront payées équitablement et traitées avec respect.

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28 Octobre 2019