En 1984, quatre membres de l’AFPC ont lutté pour que les fonctionnaires obtiennent le droit de s’engager politiquement, ouvrant la voie aux syndicats forts et engagés que nous connaissons aujourd’hui.
C’était l’été. Les libéraux venaient de déclencher des élections fédérales dans l’espoir de consolider leur avance dans les sondages. Quatre membres de l’AFPC voulaient aider un candidat dans Ottawa-Centre, mais ont vite compris qu’ils enfreignaient la loi. Ils ont alors lancé une lutte de sept ans pour obtenir des droits politiques.
La Loi sur l’emploi dans la fonction publique interdisait alors aux fonctionnaires de participer ouvertement à la politique (p. ex., solliciter les électeurs au nom d’un parti ou d’un candidat, installer des pancartes pour pelouse, arborer un macaron). Elle les empêchait même de poser des questions lors des débats électoraux et des assemblées publiques.
Heather Stevens, Ken Clavette, Linda Camponi et Randy Barnhart trouvaient que ces règles étaient trop restrictives et qu’elles allaient à l’encontre de la Charte des droits
et libertés, adoptée deux ans plus tôt.
Ils ont donc déposé une injonction pour leur permettre de travailler sur la campagne de Michael Cassidy. Mais la Cour fédérale a rejeté leur demande. Sans se laisser décourager, ils ont adressé une contestation judiciaire au gouvernement. Au même moment, deux autres fonctionnaires, qui n’étaient pas membres de l’AFPC, déposaient eux aussi une contestation.
On savait que cette bataille juridique serait difficile.
« Dans la fonction publique, on envoie des notes de service, puis on attend de savoir ce qui se passe », explique Randy Barnhart. « Mais cette fois-ci, on s’y est pris autrement et quand j’ai vu nos noms dans le journal, j’étais estomaqué. »
Face à l’adversité, Ken Clavette admet qu’il ne pensait pas vraiment remporter la victoire. Mais il s’est rallié à la cause par principe.
Le battage médiatique autour de l’affaire a rapidement attiré l’attention du président national de l’AFPC, Daryl Bean. Il explique que les interdictions prévues par la Loi signifiaient que les personnes « travaillaient dans les coulisses des campagnes en espérant ne pas se faire pincer ». Il était prêt à mettre tout le poids et la protection du syndicat au service des fonctionnaires.
« Pendant des années, j’ai activement soutenu des luttes pour la démocratie partout dans le monde. Quand j’ai appris que le Canada empêchait des travailleuses et travailleurs de participer pleinement à la démocratie, ça m’a semblé terriblement injuste » dit Ken Clavette.
Malheureusement, la décision de la Cour fédérale (1986) n’était pas à la hauteur des espoirs des membres. Il y a donc eu plusieurs appels au cours des cinq années suivantes, qui ont finalement abouti à une audience devant le plus haut tribunal du pays.
En 1991, il y a 30 ans, la Cour suprême du Canada a finalement statué en faveur des droits politiques des membres de l’AFPC. La décision a forcé le gouvernement à modifier la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et à accorder les pleins droits politiques aux fonctionnaires. Seules quelques restrictions ont été imposées pour assurer la neutralité de la fonction publique.
Même si cette victoire a permis à nos membres de participer aux campagnes électorales, la lutte sur ce front est loin d’être terminée. L’AFPC continue de réclamer des protections dans les conventions collectives afin d’empêcher l’intimidation et le harcèlement des fonctionnaires qui participent à d’autres activités politiques (p. ex., mouvement La vie des Noirs compte, soutien aux luttes des Autochtones).
En repensant à cette incroyable réalisation, Linda Camponi, maintenant à la retraite, transmet un message à nos membres : « Vous avez des droits politiques — exercez-les! »