L’Alliance de la Fonction publique du Canada s’inquiète vivement des répercussions du retour forcé des fonctionnaires fédéraux au bureau trois jours par semaine. En effet, l’augmentation des véhicules et du temps sur la route se traduisent par une hausse des émissions de carbone et une baisse de la productivité.
Selon un récent sondage auprès des membres, 90 % des fonctionnaires fédéraux de la région de la capitale nationale (RCN) – où travaillent et vivent plus de 100 000 membres de la fonction publique – mettent plus de temps à se rendre au travail cet automne, et 65 % ont dit que leur temps de déplacement s’est « considérablement rallongé ». À Toronto et à Vancouver, 28 % et 30 % des fonctionnaires ont vu leur trajet quotidien se rallonger d’au moins 45 minutes.
« Je peux très bien faire mon travail de la maison, mais je dois quand même me rendre au bureau », se désole Sylvain Routier, un fonctionnaire de la RCN forcé de commencer ses journées à 6 h pour s’éviter deux heures de route.
« Cette décision se répercute sur tous les travailleurs et travailleuses qui doivent se déplacer, y compris les premiers répondants et les personnes qui fournissent des services indispensables à la population », déplore Sharon DeSousa, présidente nationale de l’AFPC. « En obligeant des centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux à retourner au bureau, le gouvernement nuit à leur productivité, et cautionne les embouteillages et la pollution ».
Une récente étude de l’Université Carleton (an anglais seulement) révèle que pendant la pandémie, le travail hybride et le télétravail ont réduit de 25 % les émissions de carbone à Ottawa et à Gatineau, où travaillent et vivent près de la moitié des fonctionnaires fédéraux.
« En éliminant les déplacements, le télétravail génère beaucoup moins d’émissions que le travail au bureau », explique Farzam Sepanta, chercheur à l’Université Carleton. « C’est souvent le choix le plus écologique. »
Des données de Statistique Canada confirment par ailleurs que la productivité de la fonction publique fédérale s’est accrue de 4,5 % entre 2019 et 2023, alors que le télétravail était la norme. Cette hausse de productivité est bien plus marquée que ce qu’on a observé dans le secteur privé. Malgré le chaos de la pandémie, la productivité est à la hausse – preuve que la flexibilité, loin d’être un frein, joue plutôt un rôle d’accélérateur.
« Les chiffres sont éloquents : le télétravail est bénéfique sur tous les plans », affirme Mme DeSousa. « L’idée selon laquelle il mine la productivité est complètement fausse. Le gouvernement fédéral admet ouvertement qu’il n’a réalisé aucune étude à ce sujet. »
« Je suis bien plus productif à la maison qu’au bureau, où il y a beaucoup de distractions », témoigne M. Routier. « Et je ne parle pas seulement du bruit ou de la loterie des postes de travail, mais aussi de la charge mentale liée au temps passé sur la route. »
L’association néo-démocrate de la circonscription d’Ottawa-Sud a aussi exprimé sa frustration quant aux embouteillages dans la RCN, affirmant que la situation est hors de contrôle. Le NPD a d’ailleurs lancé une pétition pour presser le gouvernement fédéral d’honorer son entente avec les syndicats et de revenir sur sa décision.
L’AFPC continue de réclamer un mode de travail flexible et logique, synonyme de gain de productivité, de meilleure empreinte écologique et d’économies pour la population. En 2022, la présidente du Conseil du Trésor de l’époque, Mona Fortier, avait déclaré que le gouvernement économiserait 6 milliards de dollars en recourant davantage au télétravail et en se départissant de la moitié de ses actifs immobiliers au pays.
« Le Canada a l’occasion de se doter de l’une des fonctions publiques les plus avant-gardistes au monde, ce qui bénéficierait à toute la population », conclut M. Routier.