Lettre d’opinion de la présidente nationale de l’AFPC, Sharon DeSousa, publiée en anglais dans Politico le 15 septembre 2025.
Depuis son retour au pouvoir, Trump sème le chaos sur les marchés mondiaux avec ses politiques pour le moins erratiques. Le constat est clair : pour maintenir notre pays à flot, il nous faut une économie stable et résiliente.
Si la vision d’un Canada fort et indépendant du premier ministre Carney tourne autour de cet axe, ce n’est certainement pas en mettant la hache dans la fonction publique qu’il la concrétisera.
Les services publics sont le moteur de notre économie. On ne peut pas simplement les sacrifier pour économiser. Sans les fonctionnaires, le pays s’écroulerait. Ce sont eux qui maintiennent le cap quand ça va mal, aident les entreprises à innover et négocient d’importants accords commerciaux.
Le gouvernement Carney l’aurait-il oublié?
Son plan d’amputer de 15 % le budget des ministères ébranlera les fondations mêmes de notre indépendance économique et affaiblira notre filet de sécurité.
On n’a pas vu de compressions de cette ampleur depuis les coupes drastiques de Paul Martin en 1995.
Selon le Centre canadien de politiques alternatives, les pertes pourraient s’élever à 60 000 emplois d’ici 2028, ce qui décimera de nombreux services dont la population dépend chaque jour.
Les services publics sont notre première ligne de défense en temps de crise
Beau temps, mauvais temps, les fonctionnaires sont là pour nous.
Quand la pandémie a frappé en 2020, bien des entreprises ont fermé et des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur emploi. Du jour au lendemain, le personnel de l’Agence du revenu du Canada a dû se réorganiser pour pouvoir verser la Prestation canadienne d’urgence à plus de 8,9 millions de personnes.
Aujourd’hui, alors que la menace tarifaire de Trump continue de planer sur des centaines de milliers d’emplois dans les secteurs de la fabrication, de l’énergie et de l’agriculture, bien des gens dépendent une fois de plus de l’assurance-emploi et des programmes d’aide pour joindre les deux bouts. Mais ces bouées de secours n’arriveront peut-être pas à temps si on manque de personnel et de ressources.
Affaiblir la fonction publique, c’est éroder le filet social qui soutient la population en temps difficiles. On a besoin de bons services publics pour maintenir nos familles, nos collectivités et nos économies locales à flot.
Les fonctionnaires, ces piliers de l’économie
Les services publics sont une véritable force économique.
Des petites entreprises aux chaînes d’alimentation, en passant par le commerce mondial, les fonctionnaires contribuent à l’essor de tous les secteurs.
Par exemple, le personnel de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada traite plus de 35 000 demandes de brevet par année, stimulant l’innovation canadienne à l’ère des technologies de pointe.
Ce sont aussi les fonctionnaires qui approuvent les nouveaux médicaments qui peuvent sauver des vies. À lui seul, le secteur pharmaceutique génère plus de 18,5 milliards de dollars en retombées économiques chaque année.
N’oublions pas leur contribution aux autres industries, comme l’agriculture, la science, la recherche et la technologie, qui grossit notre PIB et renforce notre position sur la scène mondiale.
Pour bâtir un Canada fort, comme le souhaite Monsieur Carney, ça prend des travailleuses et travailleurs. Donnons-leur les moyens de faire rayonner l’industrie et l’innovation.
Les coupes minent la confiance et la résilience
L’austérité a un prix bien réel. Selon un sondage d’Abacus, la population est en train de passer d’une « impression de manque » par rapport aux besoins quotidiens, comme se nourrir et se loger, à une « impression de précarité ». Les gens craignent que l’érosion des services publics compromette leur sécurité.
Les tarifs américains n’ont fait qu’accentuer ces craintes, et les compressions de milliards de dollars annoncées par Mark Carney porteront un autre coup à la confiance et à la résilience des gens.
On a vu les ravages de l’austérité dans les années 1990, puis en 2012 sous Harper. Des vétérans privés de soins, des services frontaliers à bout de souffle, des coupes dans le personnel d’inspection des aliments, qui surveille la qualité de ce qu’on mange. Tirons des leçons du passé. Il en va de notre pouvoir face aux États-Unis, de la stabilité de notre économie, et de la sécurité des familles et des collectivités qui dépendent des services publics.
Le Canada a le choix : miser sur l’austérité et sur notre dépendance à une économie américaine totalement imprévisible, ou investir dans les services publics qui font notre force.
De grâce, Monsieur Carney, ne faites pas l’erreur de vos prédécesseurs.