Une nouvelle étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques fait ressortir les failles de l’application de la nouvelle gestion publique (NGP) et de la production lean dans la fonction publique.
La nouvelle gestion publique, concept néolibéral des années 1980, visait à restructurer l’administration publique en insistant sur la technocratie et la gestion axée sur les résultats. La méthode lean est née au Japon dans les années 1990 pour améliorer l’efficacité de la production automobile.
Aucune de ces deux méthodes n’est compatible avec les services publics.
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Ces méthodes ont souvent des effets dévastateurs, l’un des plus importants étant la diminution de la qualité des services. Le fait d’insister sur les indicateurs de performance simplifie exagérément les besoins complexes de la population et nuit à l’efficacité des gouvernements lorsqu’il s’agit d’y répondre.
Le coût caché
Au sein du service correctionnel, l’adoption de la méthode lean et de la NGP devait réduire les coûts et améliorer l’efficacité, mais a parfois abouti au surpeuplement des établissements, au manque de personnel et à des services de réadaptation axés sur la quantité plutôt que la qualité. Ces effets nuisent à la réinsertion des personnes concernées dans la société et accroissent le stress du personnel.
Dans le domaine de la santé, quand on mesure la réussite en fonction de la rapidité des services, les patients n’obtiennent pas toujours les bons soins. Se fier sur des indicateurs de performance comme les délais d’attente peut occulter la nature complexe des besoins et compromettre éventuellement la qualité des soins.
Dans les centres d’appels, l’adoption d’un style de gestion axé sur la performance a compromis la qualité des services. On fait pression sur le personnel pour qu’il atteigne des cibles d’efficience précises au lieu de répondre correctement aux préoccupations des gens.
Tout doit être profitable : l’atteinte des cibles d’efficacité prend le pas sur la santé mentale des fonctionnaires. L’accent mis sur la réduction des coûts plutôt que sur les objectifs professionnels peut mener à l’épuisement et au mécontentement, puisque les travailleuses et travailleurs perdent leur mission de vue.
Le fait de considérer la population comme une simple « clientèle » – en laissant de plus en plus la prise de décisions aux technocrates et aux organismes privés – détourne les gouvernements de leur responsabilité démocratique et érode la participation du public. Les processus démocratiques sont alors marginalisés, les services publics s’adaptent moins bien aux besoins des groupes vulnérables et l’inégalité s’accroît.
La privatisation des services publics, la sous-traitance et les partenariats public-privés font augmenter les coûts et réduisent la fiabilité. Les entreprises privées se préoccupent davantage de leur marge de profit que du bien-être des gens et tout le monde en paye le prix, sauf bien sûr leurs actionnaires.
Depuis des années, les gouvernements du monde entier adoptent ces approches malavisées en vue de reproduire l’efficacité du secteur privé, toujours au détriment de la qualité et de l’équité des services publics.
Cette année, le gouvernement libéral a annoncé aux syndicats, sans même les avoir consultés, qu’il comptait mettre la hache dans l’administration publique fédérale dès 2025.
Le Canada peut faire mieux
Cela étant dit, il est essentiel que le gouvernement libéral réévalue la pertinence de la nouvelle gestion publique et de la production lean dans le contexte des services publics. Quand le gouvernement coupe dans la qualité des services, il compromet la raison d’être de la fonction publique et nuit au bien commun.
La priorité doit être accordée à la qualité des services, à la responsabilité démocratique et au bien-être des travailleuses et travailleurs et de l’ensemble de la société à long terme plutôt qu’à des indicateurs financiers à court terme pour créer une fonction publique plus équitable et plus efficace, afin que tout le monde s’en porte mieux!