Le projet Escobal, une mine d’argent à haute teneur, est situé dans le sud-est du Guatemala. Outre l’argent, la mine regorge d’importantes réserves d’or, de plomb et de zinc. Tahoe Resources a acquis le projet à la mi-2010, alors que les Xinca et les communautés agricoles du sud-est du Guatemala lançaient un mouvement de résistance pacifique au projet de développement minier. La mine Escobal appartient maintenant à la société Pan American Silver.
Au printemps 2013, l’opposition populaire au projet a entraîné de violents affrontements. Les populations locales protestaient contre l’exploitation de la mine parce qu’elles redoutaient la pollution et la contamination de l’eau, ainsi que les effets potentiellement néfastes sur leur mode de vie essentiellement agraire. Mais l’exploitation minière a commencé en 2014, malgré une opposition massive.
Au cours des années suivantes, Tahoe Resources, avec l’aide de la police et de l’armée guatémaltèques, a utilisé des tactiques anti-insurrectionnelles pour surveiller, criminaliser et réprimer violemment la population afin d’imposer la mine. Puis, en 2017, la Cour suprême a ordonné la suspension des activités minières aux motifs suivants : discrimination et non-consultation du peuple Xinca.
Début 2019, la société Pan American Silver de Vancouver, l’un des plus grands producteurs canadiens d’argent au monde, a racheté Tahoe Resources. Le peuple Xinca a demandé à plusieurs reprises à Pan American Silver de limiter la communication sur le projet au strict processus de consultation, mais cette dernière a refusé de se conformer à cette demande, ce qui a exacerbé les tensions et l’insécurité chez les organisateurs locaux.
Compte tenu du risque croissant pour la sécurité, il s’est avéré nécessaire de faire pression sur la société au Canada. C’est ainsi qu’un appel à la solidarité a été lancé et que l’AFPC a été invitée à se joindre à une délégation chargée de rendre visite au peuple Xinca et de l’accompagner dans sa résistance pacifique à la mine Escobal.
En juillet 2019, après cinq ans de bataille juridique devant les tribunaux de Colombie-Britannique, Pan American Silver a proposé un règlement équitable aux victimes guatémaltèques des violences commises par Tahoe Resources en 2013. Il s’agit là d’un petit pas extrêmement important pour les efforts visant à tenir les entreprises canadiennes responsables des crimes, préjudices et violations dont elles sont ultimement responsables dans d’autres pays. Cette victoire juridique ne change cependant rien aux menaces et à la violence dont font l’objet les défenseurs des terres qui protestent pacifiquement contre la mine de Pan American Silver.
L’AFPC et son Fonds de justice sociale soutiennent depuis longtemps Breaking the Silence et Mines Alerte Canada : participation à des campagnes sur l’imputabilité des sociétés, financement d’activités, appui politique et participation de membres de l’AFPC à des activités conjointes.
Témoignage d’une membre : Résistance pacifique
En février 2020, le Fonds de justice sociale de l’AFPC s’est joint à une délégation visant à soutenir la résistance pacifique à la mine Escobal, au Guatemala. Le groupe était composé de 10 personnes, dont trois représentant respectivement l’AFPC, le SCFP et le Ironworkers Union.
Jill MacNeill, représentante du Cercle autochtone de l’AFPC, faisait partie de la délégation. Écoutez son témoignage.
Il m’est difficile de résumer ce que j’ai appris et vu au cours de ce voyage. Les Xinca nous ont fait découvrir leurs droits, leur histoire, leur structure de gouvernance et leur collaboration avec de nombreuses organisations alliées. Les organisateurs locaux nous ont expliqué la situation actuelle depuis la suspension des activités de la mine. J’ai établi des liens avec Mines Alerte Canada, Breaking the Silence Network, Earthworks International et l’Institute for Policy Studies à Washington. Les membres de la Première nation Tsilhqot’in en Colombie-Britannique ont également témoigné d’une expérience similaire avec les compagnies minières sur leur territoire.
J’ai été témoin d’une belle action solidaire de la part de la CODIDENA, une organisation catholique qui appuie la surveillance de l’eau pour les Xinca par les jeunes Xinca. L’organisation aide à sensibiliser les communautés aux conséquences de la mine Escobal. Notre délégation a fait une randonnée dans les montagnes où nous avons observé les jeunes Xinca effectuant des tests pour déterminer les niveaux d’arsenic dans les cours d’eau. Ces tests sont effectués régulièrement sur une base volontaire, en collaboration avec une université américaine.
J’ai rencontré des planteurs de café engagés, notamment Alex Reysono, dont le café est de calibre mondial. Il est le père de Topacio Reynoso, qui aurait été tuée à cause de ses activités militantes. Les autorités n’ont jamais enquêté sur les causes de sa mort, malgré de nombreuses demandes à cet effet. Alex lui-même a été blessé par balle. On croit fermement que ces crimes faisaient partie des tentatives de répression de la minière et des gouvernements.
Notre délégation a demandé à l’ambassade du Canada au Guatemala que notre gouvernement soutienne la lutte des Xinca pour leur droit à la consultation. La demande a été rejetée.
De retour au pays, notre délégation a participé à de nombreux appels et a échangé de nombreux courriels pour planifier des moyens de pression sur la société Pan American Silver, ici au Canada. Mais la COVID est survenue. L’une des principales actions que nous avions prévues a été annulée à cause des restrictions liées à la pandémie. Nous avons tout de même trouvé des moyens virtuels pour atteindre nos objectifs, même s’ils se sont avérés moins efficaces.
Plusieurs actions de solidarité ont été menées depuis mon retour.
- En mars 2020, l’AFPC a envoyé une lettre à Pan American Silver pour lui demander de ne pas profiter de la COVID-19 pour poursuivre ses activités à la mine Escobal.
- En avril, à l’occasion du Jour de la Terre, l’AFPC-C.-B. a soutenu et fait la promotion d’un séminaire organisé par Mines Alerte Canada, auquel ont participé plusieurs de nos membres. L’AFPC-C.-B. a également participé à un envoi de courriels de masse à Pan American Silver pour souligner les préoccupations des Xinca.
- Le 29 juillet, l’AFPC-C.-B. a écrit aux responsables guatémaltèques pour leur faire part de ses préoccupations quant à l’impunité persistante entourant les atteintes aux droits fondamentaux des défenseurs Xinca.
- Suite aux attentats du 16 janvier 2021 contre des membres de la résistance pacifique à la mine Escobal, l'AFPC a signé une lettre ouverte avec 195 organisations internationales pour dénoncer la tentative d'assassinat de M. Julio David González Arango.
La récente tentative d'assassinat contre les défenseurs des terres Xinka souligne la nécessité de maintenir notre vigilance et notre solidarité avec les défenseurs pacifiques des droits de de la personne et des terres au Guatemala. Vous pouvez suivre les derniers développements sur la situation grâce au site web de la résistance (en anglais et espagnol seulement).
Ce voyage restera à jamais gravé dans ma mémoire. Il m’a amenée à me pencher sur l’importance du Fonds de justice sociale de l’AFPC et d’organisations comme Mines Alerte Canada et le réseau Breaking the Silence. Je peux vraiment comprendre la situation des Xinca, car elle est comparable à ce que j’ai vécu ici, chez moi. Il faut beaucoup de courage pour affronter des entreprises qui utilisent le gouvernement et la police pour imposer violemment leur volonté. C’est difficile pour une communauté autochtone qui fait face à des intimidateurs de savoir à qui faire confiance. Les Xinca ont confiance en Mines Alerte Canada et en Breaking the Silence.
Je remercie sincèrement l’AFPC pour le soutien apporté aux Xinca en ces moments difficiles. Nous devons surveiller la situation au Guatemala et fournir notre soutien lorsqu’on nous le demande.