Les grévistes d’Iqaluit connaissaient bien leur valeur

Si vous avez déjà fait le piquet, vous savez que quand vient le temps de lutter pour l’avenir, il peut être difficile de garder sa motivation. La vie a ses hauts et ses bas, et c’est tout aussi vrai sur la ligne de piquetage. 

Ce fut assurément le cas des 13 travailleuses et travailleurs de l’Office d’habitation d’Iqaluit qui ont fait pression pendant 137 jours – la plus longue grève de l’histoire du Nunavut. L’employeur ayant imposé un lockout, ils ont bravé le climat inhospitalier ainsi que les personnes venues du Sud pour prendre leur place. La grève s’est ainsi éternisée, divisant la communauté. 

Audrey Mélanie était à Iqaluit depuis à peine quelques semaines au moment du débrayage. Ex-infirmière et seule membre ayant de l’expérience en moyens de pression, elle a déménagé à Iqaluit pour occuper un poste de commis à l’administration, qu’elle allait bientôt chérir. 

« Le personnel et les gestionnaires s’entendaient bien avant la grève. Mais c’était comme s’il fallait détruire ce lien familial pour repartir de zéro et le tisser plus serré », explique Audrey. Même si la grève a été difficile, elle l’a motivée à s’impliquer davantage dans le syndicat. « On a tellement pleuré, tellement accompli de choses. Rien ne vaut le sourire sur toutes les lèvres au retour au travail. » 

Loi anti-briseurs de grève 

La tension était palpable quand des travailleuses et travailleurs du Sud sont venus les remplacer, d’autant plus qu’ils étaient mieux rémunérés et bénéficiaient d’allocations au logement auxquelles le personnel de l’Office n’avait jamais eu droit. 

« Quand les gens se croisaient dans la ville, c’était loin d’être plaisant », relate Jason Rochon, président du Syndicat des employé-e-s du Nunavut. 

Avec une confiance prudente, Jason estime que la loi anti-briseurs de grève promise par le fédéral devrait inciter les employeurs à respecter les travailleuses et travailleurs et la négociation collective. 

« Plus de 90 % des grévistes étaient de jeunes Inuits, signale-t-il. En tenant bon et en se battant pour améliorer leur sort, ils ont obtenu de chaude lutte de meilleures conditions de travail et une convention collective qui les protège contre le coût élevé de la vie au Nunavut. » 

« Ils savaient ce qu’ils valaient véritablement, ajoute-t-il. Ils savaient qu’ils aidaient la communauté et qu’ils pouvaient compter les uns sur les autres. Grâce à l’exemple qu’ils ont donné, les travailleuses et travailleurs n’accepteront plus la première offre sur la table. » 

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23 Janvier 2024