Quelque part en Alberta, une infirmière et mère de deux enfants est assise dans le stationnement de l’épicerie du coin depuis 15 minutes. Elle se demande si elle devrait rentrer chez elle. Sur la banquette arrière, ses deux fils se disputent pour un sac de craquelins. Elle les entend au loin, perdue dans ses pensées. Son mari et elle se disputent beaucoup ces derniers temps. Trois mois de quarantaine n’ont vraiment pas aidé. De simples désaccords, qui jadis auraient été quelque chose de normal, se sont transformés en semaines d’accès de violence accompagné de dégâts matériel.
Elle songe à emménager avec sa mère, mais cette dernière est immunodéprimée. Étant donné que son métier l’expose à la COVID-19 au quotidien, elle ne peut pas prendre le risque de contaminer sa mère. Elle se sent déjà coupable d’exposer ses enfants au virus chaque fois qu’elle va travailler. Ses quarts de travail qui se multiplient et l’enseignement à domicile de ses enfants l’ont épuisée. La seule pensée d’une énième dispute avec son mari la fatigue, mais elle n’a pas trop le choix. Elle met le contact, demande à ses garçons de boucler leur ceinture et rentre chez elle.
Partout au Canada, des millions de femmes sont aux prises avec de graves répercussions de la COVID-19. En effet, la pandémie a révélé et accentué les inégalités entre les sexes. Depuis le début de la pandémie et des mesures de confinement, les femmes au Canada ont connu une augmentation de la violence conjugale, en plus d’enregistrer des taux plus élevés d’exposition au virus, d’infection et de décès et de faire les frais de l’accès limité aux programmes de garde d’enfants et de soins. Cette situation a eu des répercussions sur la santé mentale des femmes dans tout le pays. Les femmes sont non seulement plus touchées par les répercussions de la pandémie, mais elles sont aussi plus susceptibles que les hommes de subir les effets négatifs à long terme de la propagation du virus.
Dans ce premier article d’une série que l’AFPC consacre aux femmes et à la COVID-19, nous examinons l’impact des restrictions liées à la pandémie sur la sécurité et la santé mentale des femmes.
Intensification de la violence fondée sur le sexe
Les mesures de confinement mises en place pour prévenir la propagation du virus étaient certes indispensables, mais elles ont eu des répercussions sur les femmes, notamment une hausse des cas de violence conjugale. Or, la violence fondée sur le sexe reste et demeure une menace pour la sécurité et le bien-être des femmes. D’après le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, en moyenne, tous les six jours au Canada, une femme est tuée par son partenaire intime. Malheureusement, en raison du confinement, les femmes et les personnes non binaires et transgenres sont davantage enfermées avec leur agresseur.
Selon l’Ontario Association of Interval and Transition Houses (OAITH), depuis le début du mois de mars, le nombre d’appels de femmes victimes de violence conjugale a considérablement augmenté et nombreuses sont celles qui ne peuvent demander de l’aide en toute sécurité, à cause de la pandémie. Les femmes victimes de violence conjugale pendant la COVID-19 en subiront les effets psychologiques et physiques bien après la pandémie.
Plus de soins à la famille et de travaux ménagers
Le fait de s’occuper des enfants tout en continuant à travailler, de prodiguer des soins à la famille et de s’acquitter des tâches ménagères pèse lourd sur la santé des femmes. Avant la pandémie, les statistiques révélaient que les femmes effectuaient plus de tâches ménagères et prodiguaient plus de soins non rémunérés que les hommes. Les femmes sont plus enclines à faire la cuisine, le nettoyage et à prodiguer les soins aux membres de la famille malades ou âgés, tout en s’occupant éventuellement des enfants. Des responsabilités qui se sont accrues en période de confinement et d’auto-isolement.
En juin dernier, Statistique Canada a lancé une enquête sur les répercussions de la COVID-19 sur les parents. De nombreuses familles ont raconté comment le fait de devoir s’occuper des enfants ou de faire l’école à la maison tout en travaillant avait augmenté leur niveau de stress. Même si le gouvernement envisage d’investir davantage dans l’apprentissage et la garde des jeunes enfants, on ignore encore quelles seront les conséquences de plusieurs mois de fermeture sur un système déjà surchargé. La pénurie de services de garde d’enfants accessibles, abordables et sécuritaires se répercute sur les femmes : elles ne peuvent pas retourner au travail, ce qui compromet leur autonomie financière. Ce genre de situation entraîne très souvent des problèmes de santé mentale ou pousse les femmes à rester dans des relations abusives.
Conséquences sur la santé mentale
Le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) a mené un sondage national visant à mieux comprendre l’impact du coronavirus sur la santé mentale. De manière générale, on peut dire que la pandémie a eu un certain impact sur la santé mentale de tous les Canadiens et les Canadiennes. Les résultats de l’enquête révèlent qu’un Canadien sur quatre déclare ressentir un niveau d’anxiété accru et qu’un sur cinq dit éprouver de la dépression occasionnellement ou la plupart du temps. Les femmes, en particulier celles vivant avec des enfants, et les jeunes adultes risquent davantage d’éprouver à la fois de l’anxiété et de la dépression que tous les autres groupes de la population.
Afin d’éviter que les femmes ne souffrent des effets débilitants à long terme de la violence physique, de l’anxiété et du stress, le gouvernement doit :
- étendre l’accès aux services de garde d’urgence sûrs, agréés et gratuits aux parents d’enfants d’âge préscolaire et scolaire qui doivent travailler durant la pandémie;
- augmenter le financement des refuges à l’échelle du pays afin qu’ils puissent venir en aide aux victimes de violence fondée sur le genre;
- proposer des solutions de rechange abordables et accessibles aux gens qui ont besoin de services en santé mentale;
Passez à l’action
Comment pouvez-vous aider? Faites un don au Fonds Les Persévérantes ensemble, un fonds d’urgence national créé par la Fondation canadienne des femmes. Le fonds permet de soutenir les organisations et les programmes qui aident les femmes pendant la pandémie à surmonter les défis tels que la dotation en personnel des refuges, la prestation de services de garde d’enfants, la distribution de nourriture d’urgence, de billets de transport en commun et de l’équipement de protection individuelle contre la COVID-19.