Sharon DeSousa est vice-présidente exécutive nationale du syndicat depuis septembre 2020. Elle a été élue VPEN suppléante au congrès national de 2018, faisant d’elle la première personne racialisée à occuper ce poste à l’AFPC. Auparavant, Sharon était vice-présidente exécutive régionale de l’AFPC-Ontario (élue en 2011). Encore une fois, elle était la première personne racialisée à occuper ce poste dans l’histoire du syndicat.
À l’occasion de la Journée internationale des femmes, l’AFPC célèbre les quelque vingt années de militantisme et de leadership de Sharon au sein de notre syndicat.
À quoi avez-vous pensé lorsque vous êtes devenue VPEN, il y a six mois?
À beaucoup de choses! Je me suis souvenue de l’époque où j’ai commencé à participer au mouvement syndical, il y a presque vingt ans, et de l’enthousiasme que j’avais. J’étais touchée et motivée à l’idée de contribuer à la direction de l’un des plus grands syndicats du Canada. L’AFPC a toujours occupé une place importante dans ma vie et je savais que c’était une occasion de soutenir nos membres différemment.
À l’époque, pensiez-vous que vous seriez là où vous êtes aujourd’hui?
Pas du tout. Tout a commencé quand j’ai été témoin d’une injustice au travail. Avant même de m’en apercevoir, j’étais à fond dans le militantisme syndical. Le travail me plaisait. Il y avait quelque chose de très stimulant à collaborer avec les membres et à les aider. Tant et aussi longtemps qu’ils me faisaient confiance, j’étais plus qu’heureuse de les servir. C’est vraiment ce qui m’a amenée ici!
Quel était ce problème qui vous a amenée vers le syndicat?
Quand j’ai commencé à la fonction publique, à 23 ans, j’occupais un poste à l’ancien ministère du Développement des Ressources humaines Canada. On ne me donnait que des petits contrats et je souhaitais à tout prix obtenir un poste permanent à temps plein. Il a fallu des années avant qu’un poste permanent se présente et quand je l’ai obtenu, la direction a soudainement décidé qu’il serait à temps partiel. J’ai vivement protesté, mais on m’a ignorée. C’est alors que j’ai dirigé ma frustration et ma déception vers le syndicalisme.
Finalement, avez-vous réussi à faire changer la décision de la direction?
Malheureusement, non. Mais cette expérience m’a appris qu’en tant que travailleurs et travailleuses, on doit se rassembler et se préparer à agir, parce qu’on ne sait jamais ce que la direction essaiera de faire.
Vous avez tout de même fini par obtenir un poste permanent, n’est-ce pas?
Heureusement, oui. Et d’une certaine manière, je suis reconnaissante pour ces premières années. Elles m’ont ouvert les yeux sur la réalité du travail précaire. Aujourd’hui, on entend beaucoup parler du manque de perspectives d’emploi pour les jeunes et de la précarité de l’économie à la demande – des enjeux tout à fait réels. En vérité, la fonction publique a aussi ses torts : elle maintient beaucoup de travailleurs sous contrat pendant des années et dans bien des cas, ce sont les membres des groupes marginalisés (personnes racialisées, nouveaux immigrants, etc.) qui sont les plus touchés. Quelle surprise!
En tant que VPEN, allez-vous vous attaquer à ces problèmes?
Absolument! Et à bien d’autres encore. Chris Aylward, notre président national, m’a confié plusieurs dossiers, dont la négociation collective et les droits de la personne. Au cours de la prochaine ronde, je travaillerai avec notre personnel et nos équipes de négociation afin de combattre différents problèmes : le travail précaire et la sous-traitance dans la fonction publique, ainsi que les obstacles systémiques auxquels se heurtent les groupes marginalisés.
J’ai subi le racisme systémique toute ma vie et je suis consciente de ses effets ravageurs. Ce n’est donc pas une chose abstraite pour moi – c’est très personnel. La lutte contre le racisme systémique est une priorité pour notre syndicat et je m’engage à ce que cela fasse partie de tout ce que nous faisons.
Quels sont vos autres objectifs?
Je veux que tous nos membres se sentent respectés et soutenus au travail tout comme dans leur communauté. Pour y arriver, il faut négocier des conventions collectives solides et inciter le gouvernement à remodeler le milieu de travail afin de favoriser la relance après la pandémie.
Il faut aussi se battre pour avoir des lois et des programmes progressistes à tous les ordres de gouvernement afin tout le monde puisse en profiter. Par exemple, le gouvernement fédéral a déclaré qu’il réalisera un investissement important dans les services de garde d’enfants. L’AFPC doit maintenant s’assurer qu’il tienne sa promesse. Il faut également continuer de se battre pour obtenir un régime national d’assurance-médicaments et de meilleurs congés de maladie pour tous les travailleurs et travailleuses.
Comment peut-on atteindre ces objectifs ambitieux?
Notre personnel et nos membres passionnés font notre force. Pendant des décennies, notre syndicat a constamment amélioré la vie de ses membres : équité salariale, congé parental payé, mesures d’adaptation pour les personnes qui ont des obligations familiales, congés de maladie, congé pour les victimes de violence familiale, santé et sécurité au travail... À maintes reprises, nous avons démontré notre acharnement à lutter pour améliorer les conditions de travail et créer un monde meilleur.
Et nous le ferons encore et encore dans les mois et les années à venir. Notre syndicat a un pouvoir incroyable grâce à ses campagnes politiques, ses initiatives de lobbying et la mobilisation de nos membres. Nous avons prouvé que nous sommes une force puissante dans la société canadienne et nous continuerons à investir dans nos capacités de syndicalisation et de mobilisation afin de protéger tout ce que nous avons acquis, tout en faisant pression pour en obtenir davantage.
Votre poste à l’AFPC-Ontario vous manque-t-il?
Je m’ennuie de travailler en étroite collaboration avec les membres de la région. Avec l’aide du personnel extraordinaire des bureaux de l’Ontario, on a accompli beaucoup de choses dont je suis très fière. Que ce soit pour obtenir de meilleurs salaires au corps policier des Premières Nations qui est chroniquement sous-payé ou pour faire adopter d’importantes réformes du travail (p. ex., congé pour les victimes de violence familiale) au niveau provincial, l’AFPC n’a jamais eu peur d’aller de l’avant.
Le militantisme syndical peut être exigeant et user à la longue. Comment faites-vous pour garder l’équilibre et rester concentrée?
J’aime beaucoup dessiner et peindre. Même les jours les plus difficiles, je suis en mesure de trouver un équilibre grâce à ces activités créatives.
Et puis, ma grand-mère m’inspirera toujours. Elle m’a élevée et m’a montré ce que je pouvais accomplir si j’étais déterminée. Elle est née en Inde en 1917, et a consacré une grande partie de sa vie à aider d’autres femmes en tant que sage-femme. Elle a ensuite quitté ce rôle pour entamer une carrière dans le domaine ferroviaire. Même si elle ne se serait probablement pas identifiée comme telle, elle était une féministe ardente. C’est elle qui m’a inspiré à avoir confiance en moi et à ne jamais abandonner.