Dans son budget déposé la semaine dernière, le gouvernement fédéral annonçait plusieurs initiatives progressives en matière d’équité, sans toutefois les financer adéquatement.
Le budget prévoit des investissements qui rendront la vie plus abordable pour les personnes salariées et leurs familles, le remboursement des soins dentaires pour les enfants pauvres et des mesures pour pallier la crise du logement. Du progrès, certes, mais encore...
Il faut viser plus haut et résoudre les inégalités dont souffrent les groupes marginalisés.
Santé mentale
Le budget ne prévoit aucun investissement pour la prestation des services complets en santé mentale dont tant de gens ont besoin. En ce qui concerne le transfert de fonds aux provinces et aux territoires, le gouvernement se dit disposé à en discuter, mais sans plus.
L’AFPC souhaite que les 227,6 millions sur deux ans prévus pour les services de santé mentale aux communautés autochtones soient affectés à des projets de santé communautaire, de logement abordable et de soutien au personnel de première ligne, et ce, au moyen d’une approche qui tient compte des valeurs culturelles et des traumatismes vécus.
Quant aux fonctionnaires fédéraux noirs, qui se sentent déjà abandonnés par le gouvernement, ils ont droit à 3,7 millions de dollars. Ce n’est là qu’une fraction des 100 millions de dollars que le secrétariat du recours collectif noir croit nécessaires pour accomplir de véritables changements.
Violence et harcèlement fondés sur le genre
Depuis deux ans, la pandémie parallèle de violence et de harcèlement fondés sur le genre n’a fait que s’intensifier. Si le gouvernement fédéral s’est engagé à investir 600 millions de dollars dans la création d’un « plan d’action national », il doit néanmoins collaborer avec les organismes de proximité et prendre des mesures claires par rapport aux inconduites sexuelles au ministère de la Défense nationale. Or, de ces initiatives, le budget ne dit mot.
En raison de l’inaction du gouvernement à l’égard de ce milieu de travail toxique pour les militaires et le personnel civil, des personnes dévouées sont laissées pour compte.
Peuples et communautés autochtones
Le gouvernement propose de verser près de 210 millions de dollars pour la recherche déchirante des lieux de sépulture non marqués près des anciens pensionnats. Il financera également la construction d’un centre national pour la vérité et la réconciliation. Cela dit, le budget ne prévoit rien pour pallier le sous-financement chronique des services aux Autochtones.
En dépit d’une augmentation des fonds prévus pour réparer les réseaux d’aqueduc et d’égouts, 34 Premières Nations n’ont toujours pas d’eau potable. Quant à la question de l’insécurité alimentaire dans les communautés du Nord, elle est passée sous silence.
Ne figure pas non plus au budget des fonds pour lutter contre la violence faite aux femmes, filles et personnes aux genres divers des communautés autochtones, ce qui est déplorable.
Mesures et plans d’action en matière d’équité
Le budget 2022 prévoit un investissement de 100 millions de dollars sur cinq ans dans les organismes LGBTQ2+ et la réalisation d’un plan d’action fédéral. On ignore si cette mesure aura des effets positifs pour les communautés visées et les personnes en crise, la stigmatisation et la discrimination représentant encore aujourd’hui un énorme obstacle à l’accès aux soins de santé essentiels.
Après près de 20 ans d’attente, le gouvernement prévoit enfin des fonds pour l’examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.
L’AFPC applaudit au financement d’une stratégie d’emploi pour les personnes ayant un handicap, moyennant des consultations sérieuses avec les agents négociateurs.
Racisme systémique
À première vue, l’affectation de 85 $ millions de dollars à l’établissement d’une nouvelle stratégie de lutte contre le racisme et d’un plan d’action national de lutte contre la haine semble prometteuse. Or, le gouvernement fait chou blanc en ne proposant pas de mesures concrètes pour accéder aux ressources, alourdissant du même coup la bureaucratie. Là n’est pas la voie de l’équité.
L’AFPC se réjouit de la création d’un nouveau poste de représentant spécial chargé de la lutte contre l’islamophobie et du soutien à l’envoyé spécial du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme. Elle souhaite maintenant voir l’adoption d’une loi pour contrer la haine et la violence accrues dont font l’objet les minorités religieuses.
Services de garde
L’AFPC considère que le nouvel investissement de 625 millions de dollars sur quatre ans pour la construction d’établissements est un bon début pour remédier à la grave pénurie de places en garderie.
Le gouvernement fédéral avait déjà conclu une entente avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de limiter les frais de garde à environ 10 $ par jour d’ici 2025-2026, mais bien des familles ne peuvent pas attendre aussi longtemps.
Programme des travailleurs étrangers temporaires
Le Programme, dont la majorité des participants sont des personnes racialisées, offre une main-d’œuvre essentielle et chroniquement sous-évaluée. Le nouveau budget en fait peu pour mettre fin à un système à deux vitesses qui lie les travailleurs aux employeurs. Il contribue plutôt à fragiliser la situation d’une main-d’œuvre temporaire déjà vulnérable. Il est grand temps d’offrir à ces personnes un travail et un salaire décents, des conditions de travail sécuritaires et des avantages sociaux, et de leur accorder le plein statut d’immigrant.
En résumé
Si le budget 2022 prévoit un financement accru pour remédier à certaines inégalités, d’autres sont passées sous silence, tandis que de nombreuses initiatives sont terriblement sous-financées. Même si le gouvernement entend investir dans des programmes indispensables, il reste encore beaucoup à faire pour remédier aux inégalités dans notre société, sans parler de celles engendrées par la crise sanitaire.
L’AFPC voit d’un bon œil les progrès réalisés dans certains dossiers, mais continuera de demander mieux.