La Loi canadienne sur les droits de la personne est un rempart contre la discrimination des employeurs sous réglementation fédérale, comme les compagnies aériennes, les banques, les sociétés de télécommunications ainsi que le gouvernement fédéral, plus grand employeur du pays. Les dommages-intérêts qu’elle permet d’octroyer aux victimes pour le préjudice moral découlant de la discrimination sont plafonnés à 20 000 $ depuis 1998.
Parkdale Community Legal Services, qui défend les intérêts des travailleuses et travailleurs ontariens depuis des décennies, et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), qui compte plus de 245 000 membres, tenteront cette semaine de faire corriger cette injustice persistante en contestant le plafonnement des dommages-intérêts pour atteinte aux droits de la personne devant la Cour fédérale.
Le gouvernement fédéral pourrait admettre que la disposition est contraire aux protections de la Charte en matière d’égalité et la modifier. Il a plutôt choisi de la défendre.
« Le gouvernement fédéral prétend lutter contre la discrimination et promouvoir la diversité et l’inclusion, mais il résiste à toute tentative des personnes qui dénoncent des situations discriminatoires d’obtenir une réparation juste », déplore Sharon DeSousa, présidente nationale de l’AFPC. « C’est totalement inacceptable. Il faut corriger cette injustice de longue date et c’est pourquoi nous prenons les choses en main. »
« La plupart des autres actions en justice n’ont pas de plafond. Les tribunaux ont octroyé des centaines de milliers de dollars dans des cas de diffamation, de congédiement injustifié et d’autres transgressions », fait valoir John No, avocat interne de la division des droits des travailleuses et travailleurs et directeur des services juridiques de Parkdale Community Legal Services. « La plupart des tribunaux provinciaux des droits de la personne n’ont pas à s’en tenir à un plafond arbitraire lorsqu’ils octroient des dommages-intérêts. Cela signifie que, pour le même acte discriminatoire, les personnes qui travaillent dans un milieu assujetti à la réglementation provinciale peuvent obtenir une indemnisation beaucoup plus généreuse que celles qui travaillent dans un milieu sous réglementation fédérale. »
En 2000, l’ancien juge à la Cour suprême Gérard La Forest, qui a présidé le Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, a recommandé l’élimination des plafonds, pour que les parties plaignantes reçoivent toujours des dommages-intérêts à la hauteur de la discrimination subie.
L’ancienne juge à la Cour suprême Louise Arbour a exprimé le même avis dans son récent rapport sur les inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennes. Elle qualifie de « maigre » le plafond des dommages-intérêts, surtout lorsqu’on le compare à ce que l’on voit dans les provinces qui n’imposent pas de limite. Par ailleurs, le plafonnement a un effet dissuasif sur les personnes qui voudraient porter plainte, ce qui est totalement contraire à la raison d’être du régime canadien des droits de la personne.
Il est temps pour le gouvernement fédéral de prendre la discrimination au sérieux et d’éliminer les obstacles arbitraires à la justice.