Les négociations avec le Conseil du Trésor peuvent sembler être un processus obscur où un groupe de personnes se rencontre pour discuter à des intervalles aléatoires pendant des mois, voire des années, avant que quelque chose ne se produise et qu’on ait enfin une nouvelle convention collective.
Mais c’est beaucoup plus que ça. En fait, il y a des étapes très précises à franchir pour négocier un nouveau contrat de travail. Voici un petit aperçu du déroulement des négociations avec le Conseil du Trésor ― de la collecte des propositions des membres jusqu’à l’obtention d’un contrat juste et équitable en passant par l’exploitation de la force du syndicat à la table.
Travaux préparatoires
- Consultation des membres avant l’expiration de la convention collective
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Longtemps avant de commencer à discuter avec le Conseil du Trésor, nous demandons aux membres de nous dire quels sont les principaux changements qu’ils veulent pour améliorer leurs conditions de travail (p. ex., plus de congés, meilleure conciliation travail-vie personnelle, salaires qui suivent le taux d’inflation, meilleures protections en matière de santé et de sécurité, mesures pour lutter contre le harcèlement et la discrimination). Les sections locales sont invitées à donner leur avis. Parallèlement, nous examinons les changements que nous n’avons pas réussi à obtenir lors des rondes de négociations précédentes, ce que d’autres syndicats négocient et les nouvelles tendances sur le marché du travail.
- Discussions sur les priorités
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Après avoir reçu toutes les propositions et tous les commentaires, nous invitons un groupe représentatif de membres à une conférence sur la négociation. Ces membres discutent des propositions et des priorités pour la prochaine ronde de négociations. Leurs discussions guideront les décisions que prendra l’équipe syndicale à la table de négociation.
- Élaboration des revendications contractuelles
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Les équipes de négociation sont élues lors de la conférence sur la négociation. Chaque unité de négociation – PA, SV, TC, EB, FB – a sa propre équipe, et les membres de chaque équipe font partie de leur unité respective. L’AFPC fait son possible pour former des équipes qui représentent bien la variété de professions, de régions, de ministères, d’Éléments et de groupes d’équité. À chaque équipe viennent se greffer un négociateur et un agent de recherche de l’AFPC.
Chaque équipe examine ce qui est ressorti de la conférence sur la négociation et élabore un ensemble de propositions en vue d’améliorer la convention collective de son unité. C’est ce qu’on appelle les revendications contractuelles.
Pour ajouter à la complexité du processus, certains enjeux importants sont négociés séparément. En effet, la négociation des avantages sociaux, comme les régimes de soins de santé et de soins dentaires se déroule selon un calendrier distinct. D’autres syndicats représentant des fonctionnaires qui ne sont pas membres de l’AFPC participent aussi à ces pourparlers, car ces questions touchent l’ensemble de la fonction publique fédérale.
- Enjeux communs
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Dans le cadre des négociations avec le gouvernement, nous tenons également des rencontres pour discuter des enjeux communs, c’est-à-dire des questions qui s’appliquent à tous nos membres au Conseil du Trésor, par exemple le télétravail, le droit à la déconnexion ou encore la lutte contre le racisme systémique et la discrimination. L’équipe des enjeux communs regroupe des représentants de chaque unité de négociation et elle a son propre négociateur et son propre agent de recherche. Les propositions que le syndicat et l’employeur acceptent à cette table sont incluses dans la convention collective de chaque unité qui relève du Conseil du Trésor.
Fonctionnement des négociations
- Signifier l’avis de négocier
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Dans les quatre mois qui précèdent l’expiration d’une convention collective, l’AFPC informe le Conseil du Trésor qu’elle veut négocier pour y apporter des changements. C’est ce qu’on appelle signifier un avis de négocier. Chaque convention collective a une date d’expiration, mais elle continue de s’appliquer jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par une nouvelle entente ou qu’une grève soit déclenchée.
- Se rencontrer pour négocier
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Par la suite, le syndicat et l’employeur fixent les dates des rencontres et envoient leur équipe respective à la table de négociation. À l’instar du syndicat, l’employeur propose lui aussi des changements au contrat de travail. Les revendications du syndicat visent à améliorer les salaires et les conditions de travail, tandis que les propositions de l’employeur impliquent souvent des concessions.
Au cours des séances de négociation, chaque partie a l’occasion d’expliquer ses propositions et d’argumenter lorsque l’autre n’est pas d’accord. Selon que chaque partie est réceptive ou non aux propositions de l’autre, les rencontres peuvent durer des mois.
Pendant que les pourparlers se poursuivent, les équipes de l’AFPC prennent aussi le temps de se rencontrer entre elles pour discuter de la réaction de l’employeur aux revendications et de leur réponse à l’offre patronale. La négociation est un exercice de compromis. Au fur et à mesure qu’évoluent les échanges, l’équipe peut décider de retirer certaines revendications au profit d’autres que les membres jugent plus prioritaires. Les deux parties peuvent également modifier leurs propositions initiales dans le but d’arriver à une entente.
- Conclure une entente de principe
- Idéalement, le syndicat et l’employeur s’entendent sur les changements à apporter à la convention collective à ce stade-ci. Les modifications convenues sont présentées dans une entente de principe. C’est une entente provisoire, car il faut encore que les membres votent pour l’accepter ou la rejeter.
- Appuyer le travail des équipes de négociation
- Les équipes de négociation ne peuvent pas faire tout le travail de négociation. L’employeur doit savoir dès le départ que les membres prennent leurs revendications au sérieux. L’AFPC et les équipes informent régulièrement les membres de l’évolution des discussions et organisent des activités de mobilisation par lesquelles les membres peuvent manifester leur appui et faire pression sur l’employeur. Il peut s’agir de communiquer avec la présidence du Conseil du Trésor et d’autres personnes par courriel ou par téléphone, de faire pression par le biais des médias sociaux ou de participer à des webinaires et à des assemblées d’information et de mobilisation ou à des manifestations. Ces activités peuvent être amusantes, mais elles ont toujours un message sérieux. La force des équipes de négociation repose sur les membres qui les soutiennent et qui se mobilisent pour montrer à l’employeur que nous sommes prêts à nous battre pour obtenir un contrat de travail juste et équitable.
Quand les négociations sont rompues
- Impasse
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Si, à un moment donné, les parties ne parviennent pas à une entente, elles peuvent déclarer une impasse. Autrement dit, elles sont allées aussi loin qu’elles le pouvaient sans qu’aucune solution ne soit en vue. À ce stade, le syndicat ou l’employeur peut demander pour passer à la conciliation.
Lorsqu'il reçoit une demande de conciliation, le président de la Commission fédérale des relations de travail dans le secteur public peut recommander la création d'une commission d'intérêt public pour la conciliation des questions en litige.
La CIP est composée de trois personnes : une nommée par le syndicat, une nommée par l’employeur et une présidence neutre nommée d’un commun accord par les deux parties ou par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral si les deux parties ne s’entendent sur le choix de la présidence. Selon l’emploi du temps de ces trois personnes, il peut s’écouler un certain temps avant que la CIP puisse se réunir.
La CIP tient des audiences pour permettre à chaque partie de défendre, à l’oral et à l’écrit, son point de vue par rapport aux questions en litige. Ensuite, la CIP examine la preuve et les arguments. Son rôle est de recommander au syndicat et à l’employeur des moyens de parvenir à un règlement. Ces recommandations ne sont pas contraignantes et ni l’une ni l’autre des parties n’est tenue de les accepter.
À ce stade, le mieux qu’on puisse espérer, c’est que les parties reprennent les négociations à la lumière des recommandations de la CIP.
- Préparation en cas de grève
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Si les négociations sont rompues, les membres ont un rôle crucial à jouer pour faire pression sur l’employeur afin de parvenir à une entente juste et équitable sans recourir à la grève. Tout au long des négociations, les membres doivent se tenir au courant en s’abonnant aux mises à jour et en participant aux activités d’information. Ils peuvent montrer que le syndicat est sérieux en allant voir les députés ou en les appelant pour leur demander d’inciter l’employeur à faire une meilleure offre. Et ils peuvent commencer à se préparer à la grève en organisant des piquets d’information et des manifestations et en y participant.
Les sections locales reçoivent une formation sur la grève afin qu’elles puissent préparer leurs membres à cette éventualité. Plus l’employeur sait que les membres sont mobilisés, plus on a de chances d’éviter la grève.
- Vote de grève
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Lorsqu’une CIP est mise sur pied parce que les pourparlers n’ont pas abouti, les membres peuvent être amenés à débrayer pour obtenir les améliorations dont ils ont besoin à leur convention collective. Cette possibilité existe à chaque ronde de négociations.
Lorsqu’il y a un grand fossé entre les changements que les membres revendiquent et ce que l’employeur est prêt à offrir et qu’il semble qu’il faudra plus que des paroles pour faire bouger l’employeur, l’AFPC organise un vote de grève pour les membres de l’unité de négociation visée. Les membres peuvent alors voter pour ou contre la grève. Le vote a généralement lieu aux environs de la publication des recommandations de la CIP, car les résultats d’un vote de grève ne sont valides que pendant 60 jours.
- Conditions à remplir pour déclencher une grève
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Si les pourparlers achoppent, les conditions suivantes doivent d’abord être remplies avant que les membres puissent débrayer :
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Le syndicat et l’employeur se sont entendus sur les services essentiels.
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Une majorité des membres ont voté en faveur de la grève et pas plus de 60 jours se sont écoulés depuis l’annonce des résultats du vote de grève.
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La présidence nationale de l’AFPC a autorisé le déclenchement d’une grève.
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Au moins sept (7) jours se sont écoulés depuis que la CIP a fait connaître ses recommandations.
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- Définition des services essentiels avant la grève
- Dans le cadre des négociations, le syndicat et l’employeur doivent déterminer quels services sont considérés comme essentiels et seront maintenus en cas de grève. Les membres qui assurent les services essentiels sont tenus de travailler en cas de grève, mais ils peuvent soutenir les grévistes d’autres manières.
- Possibilité d’éviter la grève à tout moment
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La tenue d’un vote de grève n’entraîne pas automatiquement une grève. Rien n’empêche le syndicat et l’employeur de se rencontrer de nouveau, à tout moment. On peut faire appel à un tiers neutre, qui servira de médiateur. Les négociations peuvent aussi reprendre avant ou pendant la grève.
L’idéal, c’est que les parties arrivent à une entente de principe avant qu’une grève n’ait lieu. Cependant, il faut parfois débrayer pour montrer à l’employeur à quel point les membres tiennent à leurs revendications et l’amener à bonifier son offre.
Lorsqu’une grève a lieu, les parties parviennent généralement à une entente de manière volontaire.
- Choix du type grève
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Une grève vise à exercer le maximum de pression sur le Conseil du Trésor afin d’en arriver à une entente. Lorsque les pourparlers échouent, le syndicat évalue les différents moyens d’amener l’employeur à faire la meilleure offre possible.
Quand on imagine une grève, on pense généralement que tous les membres cessent de travailler et vont faire du piquetage. Mais il y a d’autres types de grèves. Les syndiqués peuvent commencer par faire une grève du zèle en suivant à la lettre leur description de travail et toutes les règles qui s’appliquent. Ils peuvent aussi tenir des grèves ciblées ou des grèves tournantes de manière à perturber progressivement le fonctionnement de l’employeur. Par exemple, les membres d’un lieu de travail, d’une ville, d’une région, d’une province ou de tout le pays peuvent dresser des lignes de piquetage pendant une journée ou sur plusieurs journées. Ce sont des moyens de pression utiles, mais il faut parfois que tous les membres fassent la grève pour que l’employeur prenne leurs revendications au sérieux.
- Signature d’une nouvelle convention collective
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Lorsque le syndicat et l’employeur concluent une entente de principe, ce les membres qui ont le dernier mot. On tient alors une assemblée pour leur expliquer les changements que prévoit l’entente, puis on passe au vote de ratification. Si la majorité des membres se prononce en faveur de l’entente, on procédera alors à la signature de la nouvelle convention collective.
Le rejet de l’entente de principe avant qu’on ait dû recourir à la grève peut donner lieu à de nouveaux pourparlers ou à une grève, ou aux deux. Si une grève était déjà en cours, elle pourrait se poursuivre.
À un moment donné, la grève prendra fin et les parties signeront une nouvelle convention collective.
Puis on recommencera le processus afin de négocier une nouvelle convention collective.