L’histoire ouvrière des Noirs : Personnalités et faits marquants

L'AFPC célèbre le Mois de l'histoire des Noirs en reconnaissant l’immense contribution des travailleuses et travailleurs noirs à l'économie canadienne et à l'essor du mouvement syndical que l’on connaît aujourd’hui. Joignez-vous à nous pour honorer les militantes, les militants et les leaders noirs qui ont façonné l'histoire syndicale canadienne.

L’esclavage au Canada 

Le Canada ne fait pas bande à part en ce qui a trait au recours à l’esclavage : des esclaves ont contribué à bâtir notre nation. Dans les années 1600, on recensait 4 200 esclaves en Nouvelle-France (les deux tiers étaient des Autochtones et l’autre tiers, des Noirs). À la fin des années 1700, les Britanniques avaient fait venir 3 000 autres travailleurs non rémunérés au Canada. Et il y en a probablement eu davantage qui ne figurent pas sur les listes officielles.  

Marie-Joseph Angélique

Incendiary, Marie-Joseph Angelique   © Kit Lang

Incendiary, Marie-Joseph Angelique © Kit Lang

Marie-Joseph Angélique est une esclave domestique achetée à l’âge de 20 ans par un marchand français, qui l’emmène à Montréal où elle est asservie pendant 9 ans. En 1733, Marie-Joseph demande à sa maîtresse de la libérer, mais cette dernière refuse et lui dit plutôt qu’elle sera vendue à un homme de Québec en échange de 600 livres de poudre à canon. Furieuse et souhaitant se libérer de son asservissement, elle met le feu à son lit et se sauve. L’incendie ravage une grande partie de la ville de Montréal. Marie-Joseph est ensuite capturée et condamnée à la peine de mort. Son histoire est devenue un symbole de la résistance des Noirs et de la liberté au Canada. 

Chloe Cooley

Woman being sold as a slaveChloe Cooley a été réduite à l’esclavage par un loyaliste là où serait aujourd'hui Fort Erie, en Ontario. Après qu’on eut offert la liberté à des loyalistes noirs ayant combattu aux côtés des Britanniques, des rumeurs voulant que la Grande-Bretagne forcerait les propriétaires à vendre leurs esclaves commencent à se répandre. De crainte de perdre de l’argent, les propriétaires commencent à vendre leurs esclaves aux États-Unis. En 1793, Chloe Cooley est vendue contre son gré à des gens de l’État de New York, de l’autre côté de la rivière Niagara. Elle est attachée violemment par trois hommes qui la forcent à monter sur un bateau, malgré ses cris et sa résistance farouche. C’est justement cette résistance qui sert de catalyseur à la création, un peu plus tard cette année-là, de la Loi visant à restreindre l’esclavage, interdisant l’importation d’esclaves dans le Haut-Canada et ordonnant que les enfants nés d’un esclave soient automatiquement libérés à l’âge de 25 ans. 

Getty Images

Le travail non rémunéré des Noirs 

Le travail non rémunéré des Noirs a joué un rôle déterminant dans la création du Canada colonial et la dynamisation de son économie. Des esclaves noirs travaillaient sans rémunération au sein de l’armée, d’organisations religieuses, pour des marchands, des commerçants de fourrures, dans les tavernes et les hôtels, jusqu’à ce que l’esclavage soit aboli par le gouvernement britannique en 1834. Même après cette date, les travailleurs noirs étaient très faiblement rémunérés comparativement aux autres travailleurs, et vivaient donc dans la pauvreté.  .

Josiah Henson

Chef spirituel et auteur, Josiah Henson naît esclave dans l’État du Maryland, aux États-Unis. Il s’enfuit à Dresden, dans le Haut-Canada, où il fonde l’établissement de Dawn, un lieu où les réfugiés de l’esclavage acquièrent les connaissances et les compétences nécessaires à leur autonomie. En 1842, il achète 200 acres de terre et crée le British-American Institute, l’une des premières écoles ouvrières du Canada. 

La Société anti-esclavagiste du Canada 

La Société anti-esclavagiste du Canada est fondée en 1851 à Toronto par des hommes d’affaires et professionnels noirs, dont Wilson Ruffin Abbott et Henry Bibb. Plusieurs alliés blancs en sont aussi membres, notamment George Brown, éditeur, et Oliver Mowat, futur premier ministre de l’Ontario. Même si les membres de la Société étaient tous des hommes, la majeure partie du travail sur le terrain était accompli par des femmes. En effet, bon nombre des épouses des membres recueillaient de l’argent et des vêtements qu’elles distribuaient aux réfugiés de l’esclavage. Elles militaient également pour l’abolition de l’esclavagisme aux États-Unis. La Société a créé une école du soir pour offrir une formation en agriculture à des réfugiés et a contribué à promouvoir l’abolitionnisme au Canada. 

Aides familiales au Canada 

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Même après l’abolition de l’esclavage au Canada, peu d’emplois sont offerts aux femmes noires qui ont été sous le joug de l’esclavage. Bon nombre de femmes autochtones et noires travaillent alors comme bonnes d’enfants au sein de familles bien nanties du Haut-Canada. Les travaux domestiques constituent l’emploi rémunéré le plus commun pour les femmes canadiennes. En 1891, on recense près de 80 000 domestiques au Canada. 

2e Bataillon de construction 

Au début de la Première Guerre mondiale, les hommes noirs canadiens se voient refuser l’enrôlement dans l’armée. Ils font alors pression sur le gouvernement et l’armée pour qu’on les laisse contribuer à l’effort de guerre. Finalement, le 2e Bataillon de construction, une unité composée exclusivement de Noirs, est créé en 1916. Le « Bataillon noir » est déployé en Angleterre à titre de main-d’œuvre non combattante chargée de construire des routes, des voies ferrées, des ponts, des tranchées et de neutraliser des mines terrestres. 

2e Bataillon de construction (Musée de Windsor/P6110) 

Ordre des porteurs de wagons-lits  

Porteurs des wagons-lits (Africville Genealogical Society)

Comme les syndicats interdisaient l’adhésion des travailleurs noirs, ces derniers ont décidé de créer leur propre syndicat. En 1917, John A. Robinson, J.W. Barber, B.F. Jones et P. White, des porteurs noirs de Winnipeg, forment l’Ordre des porteurs de wagons-lits, soit le premier syndicat de cheminots noirs en Amérique du Nord. 

Fraternité canadienne des employés des chemins de fer 

En 1919, l’Ordre des porteurs de wagons-lits, le premier syndicat de travailleurs noirs au Canada, se joint à la Fraternité canadienne des employés des chemins de fer, qui est forcée de retirer la clause « réservée aux Blancs » dans ses Statuts. 

@2007 Worker Arts and Heritage Centre

Reprise économique après la Seconde Guerre mondiale 

Les travailleurs noirs ont grandement contribué à stimuler l’économie après la Seconde Guerre mondiale. C’est en 1940 qu’on a enregistré la plus forte croissance du nombre de travailleurs noirs au sein de la main-d’œuvre canadienne, soit une croissance de 150 %. 

Stanley Grizzle

Dans les années 1940, Stanley Grizzle, militant syndical et président d’une division de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs lutte pour que les porteurs noirs puissent arborer un porte-nom, afin que les passagers blancs cessent de les appeler « George » ou « Garçon ». Il fait également pression pour que le Canadien Pacifique permette aux travailleurs noirs d’accéder à des postes de gestion. Stanley Grizzle devient par la suite fonctionnaire, politicien, juge de la citoyenneté et militant contre le racisme. Il est également récipiendaire de la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II.  

Carrie M. Best: A Digital Archive (par Sheryl Grant)

Carrie Best

Carrie Best a cofondé The Clarion, l’un des premiers périodiques du Canada dont les propriétaires et les éditeurs sont des Noirs canadiens. Fervente militante pour les droits de la personne, elle utilise son journal pour défendre les droits des Noirs. En 1941, son fils James Calbert Best (qui cofondera plus tard l’AFPC) et elle achètent des billets au cinéma Roseland et prennent place dans la section « réservée aux Blancs » en guise de protestation. On leur demande de partir, ce qu’ils refusent de faire. La police est alors appelée sur les lieux et Carrie Best est accusée d’avoir troublé la paix. Elle engage ensuite une poursuivre contre le cinéma et se servira aussi de son journal, The Clarion, cinq ans plus tard pour mettre en évidence l’histoire de Viola Desmond, qui a subi le même traitement qu’elle et son fils.

Violet King Henry

Glenbow Archives / NA-5600-7760a

En 1953, Violet King Henry est la première Canadienne noire à obtenir un diplôme en droit en Alberta et la première avocate noire au Canada. Elle est aussi trésorière d’un syndicat local de travailleurs, le Calgary Brotherhood Council, et ses réussites sont honorées par le Brotherhood of Sleeping Car Porters and Maids (le premier syndicat d’ouvriers noirs à être reconnu par la Fédération américaine du travail).  

Hugh Burnett | L'Encyclopédie canadienne

Hugh Burnett

Hugh Burnett a contribué à la création de la National Unity Association (NUA), une coalition d’agriculteurs et d’ouvriers noirs qui en avaient assez de la discrimination raciale dont ils faisaient l’objet à Dresden, en Ontario. Burnett et la NUA militent auprès du gouvernement de l’Ontario afin qu’il crée une loi contre la discrimination, une campagne qui mène à la promulgation en 1951 de la Fair Employment Practices Act interdisant la discrimination dans l’emploi. 

Bromley Lloyd Armstrong

Bromley Lloyd Armstrong, défenseur des droits civils et syndicaliste canadien, est connu pour le rôle qu’il a joué lors des manifestations assises organisées par la National Unity Association à Dresden, en Ontario. Lors de ces manifestations, Bromley et d’autres militants prennent place dans des restaurants de Dresden où les propriétaires mécontents refusent farouchement de servir les clients noirs et racialisés. Ces événements mènent finalement à des accusations contre les restaurateurs racistes qui sont déclarés coupables de discrimination, ce qui marque la première étape vers l’adoption de lois rendant la discrimination illégale au Canada. 

Programme de recrutement de domestiques antillaises

Domestiques antillaises qui célèbrent leur première année au Canada avec la Negro Citizenship Association, en 1959 à Toronto | Archives de la Ville de Toronto 

En 1955, le gouvernement canadien met sur pied le programme de recrutement de domestiques antillaises qui vise à faire venir au Canada des jeunes femmes noires de 18 à 35 ans provenant majoritairement de la Jamaïque et de la Barbade afin de contrer une pénurie de travailleuses domestiques, un emploi faiblement rémunéré et assorti de mauvaises conditions de travail. À cause des pratiques d’immigration racistes, il est difficile pour les professionnels racialisés de venir travailler au Canada sauf en tant que travailleur domestique. Pour pouvoir immigrer au Canada, certaines professionnelles acceptent donc des emplois domestiques malgré leur surqualification. Après un an de travail domestique, les participantes du programme reçoivent le statut d’immigrant reçu et peuvent faire une demande de citoyenneté après cinq ans au pays. En 1965, plus de 2 600 femmes avaient immigré de la Jamaïque et de la Barbade dans le cadre du programme. 

Musée d'histoire des travailleurs

James Calbert Best

James Calbert Best commence à travailler au ministère du Travail du gouvernement fédéral dans le domaine de la négociation collective. En 1958, il est élu à la présidence de l’Association du Service civil du Canada. Il dirige l’Association jusqu’au moment où elle fusionne avec la Fédération du Service civil, donnant ainsi naissance peu de temps après à l’Alliance de la Fonction publique du Canada. James Calbert Best est donc l’un des fondateurs du plus important syndicat de la fonction publique fédérale au Canada. Plus tard, il devient le premier Canadien noir à être nommé ambassadeur.  

The Star

Leonard Braithwaite

En 1963, Leonard Braithwaite est le premier Canadien noir élu à une assemblée législative provinciale. Il agit à titre de porte-parole du Parti libéral en matière de travail et de bien-être et dénonce la ségrégation raciale dans les écoles de l’Ontario. 

Janice Gairey

Janice Gairey est la fille de Desmond Davis, un membre clé de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs. En 1985, elle devient présidente par intérim de la section locale 1874 du SCFP. En 1995, des syndicalistes noirs canadiens fondent la section ontarienne de la Coalition of Black Trade Unionists (CBTU). Janice Gairey est la première Canadienne à être élue au conseil international de cette coalition en 2006 et est la présidente de la section ontarienne ayant occupé ce poste le plus longtemps. Au sein de la CBTU International, Janice a acquis la réputation de celle ayant amené aux congrès nationaux les plus importantes délégations de toute l’histoire de la section et ayant présenté les résolutions ayant le plus d’impact. 

Our Times | Photographe: Haseena Manek

Marie Clarke Walker

Marie a débuté sa carrière en tant que conseillère et intervenante en soutien familial à Toronto. Elle a travaillé dans des résidences pour personnes âgées et auprès d’enfants ayant un handicap dans des écoles. Après avoir joué un rôle actif au sein du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), elle est devenue vice-présidente de l’équité du SCFP Ontario, puis la toute première vice-présidente de la diversité de son syndicat au niveau national. Marie est entrée dans l’histoire en 2012 quand elle est devenue la première femme racialisée et la personne la plus jeune à être élue vice-présidente exécutive du Congrès du travail du Canada (CTC). Elle a occupé ce poste pendant cinq mandats avant d’écrire une autre page d’histoire en mai 2017 lorsqu’elle est devenue la première femme racialisée à être élue secrétaire-trésorière du CTC. 

Larry Rousseau

Larry Rousseau, qui travaille pour Statistique Canada, est un leader syndical de longue date. Il a d’abord été élu vice-président régional du Syndicat des employées et employés nationaux avant de devenir le premier vice-président exécutif régional (VPER) noir de l’histoire de l’AFPC en juin 2011. À titre de VPER de la région de la capitale nationale, Larry était responsable de la région où l’on retrouve la plus grande concentration de fonctionnaires au pays. Six ans plus tard, il a été élu vice-président du Conseil exécutif du CTC. 

 

Docteure Lynn Jones

Docteure Lynn Jones

Lynn Jones est afro-canadienne native de Truro en Nouvelle-Écosse. Elle travaille à la fonction publique fédérale et est membre de l’AFPC depuis de nombreuses années. Elle milite pour l’éradication du racisme, la protection des droits de la personne et la mise en œuvre de pratiques de travail justes et équitables.

En 1992, elle a été la première femme de couleur à occuper la vice-présidence du Congrès du travail du Canada (CTC) tout en étant vice-présidente nationale du Syndicat de l’Emploi et de l’Immigration du Canada (SEIC). En 1993, Lynn est devenue la première Afro-Canadienne à se présenter aux élections fédérales comme candidate du NPD dans la circonscription d’Halifax. Au cours des années 1990, elle a joué un rôle de premier plan au sein du Groupe de travail national antiraciste du CTC. Dans son rapport final, le Groupe a recommandé des mesures audacieuses et détaillées visant à contrer le racisme au sein du mouvement syndical canadien.

Lynn a été maintes fois honorée pour son militantisme. Elle a notamment reçu une médaille royale, un prix d’excellence du Congrès des femmes noires du Canada, un prix des droits de la personne de la Fédération du travail de Nouvelle-Écosse et deux doctorats honorifiques.

Elle est actuellement présidente du chapitre néo-écossais du Global Afrikan Congress, dont l’un des objectifs est d’obtenir réparation pour les victimes de la traite transatlantique des esclaves.

 

Jan Simpson

Jan Simpson

Jan Simpson est devenue, en 2019, la première Noire à occuper la présidence d’un syndicat canadien, le Syndicat des travailleuses et travailleurs des postes, et ce, pratiquement 30 ans après avoir été déléguée syndicale. Jan milite pour les droits de plus de 50 000 membres, qu’elle s’emploie à mobiliser afin que tous les travailleurs et travailleuses soient traités de manière juste et équitable. 

En 2019, elle a reçu un prix pour son engagement communautaire et syndical de l’organisme Urban Alliance on Race Relations. En 2020, elle a été désignée comme l’une des 100 Canadiennes noires accomplies par 100ABCWomen. Jan est également membre de la Coalition of Black Trade Unionists. 

 

Recours collectif des fonctionnaires noirs contre le gouvernement fédéral

Les fonctionnaires fédéraux noirs sont victimes d’exclusion depuis plusieurs décennies en raison de pratiques systémiques qui limitent leur avancement professionnel. Ils sont d’ailleurs gravement sous-représentés dans les rangs de la gestion. La preuve : ils n’occupent que 1,6 % de ces postes alors qu’ils représentent 3,5 % de la fonction publique fédérale.

En décembre 2020, Nicholas Marcus Thompson, Jennifer Phillips, et Shalane Rooney, membres de l’AFPC, et 9 autres fonctionnaires ont intenté un recours collectif au nom de tous les fonctionnaires fédéraux noirs. Le groupe vise ainsi à remédier de façon permanente au racisme et à la discrimination systémiques au sein de la fonction publique fédérale. Il propose, entre autres, des modifications à la Loi sur l’équité en matière d’emploi, la création d’un fonds pour la santé mentale à l’intention des fonctionnaires noirs et la réparation des torts financiers et psychologiques qu’ont subis des milliers de personnes au cours des 50 dernières années.

Ils sont maintenant plus de 1 300 fonctionnaires, dont bon nombre sont membres de l’AFPC, à faire partie du recours collectif. L’AFPC appuie leur démarche et a d’ailleurs demandé le statut d’intervenant dans cette affaire.

16 Février 2021